Il n’y a pas que San Francisco dans la vie. À Roubaix, la ville expérimente elle aussi la vie sans déchets. Rencontre avec ces z’héros du quotidien qui luttent contre les papiers gras, bannissent les emballages et cuisinent leurs épluchures.
Ne jeter aucun déchet ? Vous rigolez ? Absolument impossible dans notre société de consommation ! À part les ermites qui s’y est déjà essayé ? Une femme : Béa Johnson. Française originaire d’Avignon, elle est partie aux Etats-Unis dans le pays de l’hyperconsommation avec une mission a priori impossible : produire zéro déchet ! Nada. Nichts. Que dalle. Enfin, pour être très précis, elle s’autorise 1 litre de déchets par an. Depuis 5 ans, Béa résiste et mène son aventure extraordinaire avec un mode de vie ordinaire en Californie.
Au début, on lui disait que ce qu’elle faisait ne servirait à rien. Qui se soucierait d’une illuminée qui préfère les mouchoirs en tissu aux kleenex jetables ? Mais la belle blonde est tenace. En quelques années, elle devient une icône mondiale de cette démarche « zéro déchet ». Et prouve qu’une famille seule peut inspirer des milliers de personnes et influencer positivement les comportements à très grande échelle.
Une petite ville d’Italie, Capannori en Toscane, se bat depuis 30 ans pour réduire la production d’ordures. Elle a réussi à réduire ses déchets de plus de 80 %. Son maire, Rossano Ercolini, a d’ailleurs obtenu le prix Goldman en 2013, l’équivalent du prix Nobel pour l’environnement.
De ce côté de l’Atlantique, l’expérience de Béa a fait des petits ? Il faut croire. Récemment, une ville Française « pilote » s’est lancé ce défi du « zéro déchet » : la ville de Roubaix.
Roubaix ? La ville de 96 000 âmes qui produit 306 kg de déchets par an et par habitant (chiffres 2013), soit 243 kg de déchets résiduels et 63 kg de déchets recyclés ? Parfaitement. L’objectif est même d’arriver d’ici 3 ans à réduire de 30 % le total des déchets résiduels et à atteindre un taux de recyclage de 40 %. A 10 ans, la ville espère atteindre les niveaux des meilleures villes italiennes, soit 50 kg de déchets résiduels et 80 % de recyclage. Et à terme, parvenir au sacro-saint Zéro Déchets.
Fort bien mais on s’y prend comment dans le Nord ? D’abord, le maire préfère manier la carotte que le bâton. « L’écologie doit être positive pas punitive, » précise-t-il. Le programme s’appuie donc sur des messages sympatoches, où l’on propose à chacun de devenir un z’héro du quotidien. Ensuite, tout le monde met la main à la pâte : les citoyens, les pouvoirs publics, mais aussi les écoles, les associations, les commerces et les entreprises. Un millier d’habitants se sont d’ores et déjà portés volontaires pour mettre en œuvre les « bonnes pratiques » et mesurer les résultats.
Pour Robert Reed, porte-parole de la société coopérative Recology basée à San Francisco qui vise un monde sans déchets, le projet roubaisien peut servir d’exemple à bon nombre de municipalités. « Facile et simple à mettre en œuvre, le Zéro déchet n’en est pas moins efficace et mobilisateur pour toute une population. Fier d’entreprendre la démarche, chacun peut réduire sensiblement sa production de déchets et mesurer ses propres résultats ».
Antoine qui s’approvisionne chaque semaine à la Ruche qui dit Oui de Roubaix a été intéressé par cette belle initiative citoyenne dont il a eu connaissance par le magazine de la ville. Il s’est fixé l’objectif de réduire de 25% le poids total de ses déchets et de diviser par deux celui de ses déchets non recyclables. Acheter le plus de « vrac » possible, cuisiner des produits alimentaires bruts, gérer plus rigoureusement les quantités dont il a réellement besoin, éviter de céder à certaines « envies » accessoires et nuisibles à la démarche.
« On a aussi découvert la fabrication de nos produits ménagers : c’est fou ce qu’on peut faire avec du savon de Marseille, du bicarbonate de soude, du vinaigre blanc, des huiles essentielles et de l’eau ». Les résultats sont assez spectaculaires. Chez Antoine, on produit désormais 138 kg de déchets recyclables (2 fois moins que la moyenne) et 60 kg d’ordures ménagères (4 fois moins que la moyenne). Prochains objectifs ? Se mettre au compost, limiter l’usage des mouchoirs en papier et essuie-tout, remplacer les bouteilles de produits cosmétiques par des savons et produits secs.
Virginie qui ne jure que par les Amaps, les marchés et la Ruche a eu connaissance du programme zéro déchets en fréquentant le marché de Roubaix un samedi matin. « Ca faisait quelques années que j’essayais de réduire mes déchets et je voulais aller plus loin, montrer le bon exemple et partager les astuces. J’ai incité mes colocs à réutiliser les emballages (tupperware, bocaux, sacs ). On ne fréquente plus le supermarché mais les supers marchés de notre quartier. On consomme presque exclusivement local et on cuisine un maximum maison. On adore la Ruche mais on l’aimerait encore plus s’il y avait moins de sacs plastiques. On aimerait pouvoir apporter nos contenants nominatifs et permettre aux producteurs de les utiliser pour une préparation de nos commandes sans emballage.»
Nicolas qui passe dorénavant chercher sa commande à la Ruche chaque semaine à vélo avec son fils sur le siège du porte-bagage, avait envie de s’inscrire dans une démarche de développement durable. C’est en lisant le journal du quartier qu’il s’est décidé à participer à ce programme. Objectif : adopter de nouveaux comportements. Pour lui, ça donne un programme en quatre temps. 1/Mieux anticiper les achats alimentaires pour limiter le gaspillage, privilégier des produits bruts issus des productions locales. 2/ Consacrer plus de temps à cuisiner. 3/ Acheter des bouteilles de 5 litres au lieu des bouteilles d’1,5 l (Nicolas s’empresse de préciser qu’il ne ne peut pas consommer l’eau du robinet car il a un adoucisseur d’eau). 4/ Installer un composteur avec l’objectif de réduire de 30% les déchets ménagers.
Autre témoignage, celui d’Andrée qui a changé pas mal de choses dans son mode de vie, sa maison et sa terrasse. Grâce au Zéro Déchets, elle jette moins : « Je suis passée de 1,2 kg de déchets compostables en décembre 2014 à moins de 1 g en mars 2015. Je ne jette rien qui ne soit pas réutilisable, surtout en alimentation : je cuisine tous les restes, j’utilise toutes les parties des légumes, le vert de poireaux pour en faire de la soupe, par exemple. J’ai également installé une jardinière de 1,50 m sur 1,30 m sur la terrasse et j’y ai planté tous les légumes et les herbes dont j’ai besoin ». Elle aussi concocte désormais tous les produits de nettoyage et de lessive elle-même, « avec des huiles essentielles et du vinaigre blanc ».
Tous les témoignages concordent : moins de déchets = moins de dépenses, plus d’imagination et de liberté, plus de fierté, plus de pouvoir d’achat. Que du bonheur ! On s’y met ?
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Conseils de pro pour choper un zéro
- Acheter responsable en évitant les produits alimentaires industriels et le sur-emballage.
- Réduire les déchets à la maison, dans les bureaux, pour le nettoyage, pour le potager, …
- Prendre ses repas sans gaspillage alimentaire et sans déchet.
- Assurer le bon tri et recycler un maximum de matières.
- Favoriser la réparation du matériel pour en prolonger la vie.
- Eduquer les enfants, les parents, les professionnels aux enjeux de l’économie des ressources et de la gestion des déchets.
Je suis ravie de cette initiative des producteurs de la Ruche qui dit oui (que je salue) car faire mes courses chaque semaine est devenu un plaisir depuis que je suis inscrite. Cependant, j’étais très contrariée par les sacs plastiques qui s’accumulaient à la maison. Nous ne sommes pas inscrits dans la démarche zéro déchet portée par la mairie mais j’ai lu le livre de Béa Johnson et nous appliquons nombre de ses « trucs » pour réduire nos déchets et les sacs que je ramenais de mes courses hebdomadaires me turlupinaient. Merci à Eric de nous avoir informé du surcoût que cela occasionne aux producteurs de la Ruche qui dit oui car c’est une question que je me posais et je ramènerai avec plaisir les sacs encore utilisables pour faire baisser les coûts liés à cet effort écologique. Je me rends bien compte qu’il est compliqué de supprimer les emballages dans un système de préparation de commandes nominatives et il va nous falloir des trésors de créativité pour y parvenir mais je suis confiante (et je le suis rarement) car nous sommes tous de bonne volonté. Merci à toute l’équipe.
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