De la chanson à l’animation, il n’y a qu’une octave. Hugo à la fois responsable de ruche et coordinateur d’un espace de co-working à Lyon, l’a franchie. Rencontre.
Dans quelques jours, Hugo animera une formation sur la gestion du temps. Ce temps si précieux qui nous file entre les doigts et qu’on aimerait pouvoir dompter. Pour l’heure, sa journée est plutôt calée sur la touche prestissimo de son métronome, il lui faut rencontrer trois producteurs de sa ruche dans l’après-midi. « J’ai préparé mon programme en urbain hyperactif, on ne m’y reprendra pas. » Surtout qu’une fois sur place, dans les Monts du Lyonnais, Hugo est plutôt du genre affable.
Il caresse les bêtes, parle de la famille, prend des nouvelles de l’exploitation, enchaîne les métaphores filées, esquisse des blagues et enfouit sa montre tout au fond de sa poche. « C’est fou comme le terrain redonne du sens à ce que tu fais, » conclue-t-il sur le chemin du retour. Le sens de ce que l’on entreprend, pour Hugo qui a ouvert la première ruche lyonnaise il y a 3 mois il n’y a pas plus fondamental. C’est même une question existentielle.
Tout pour la musique
Dans une première vie, il aurait pu être chanteur. « A cette époque, je trouvais tout dans la musique. C’est au travers des paroles de Brel, Brassens, Renaud ou Trenet que j’ai forgé ma philosophie, construit mon identité. » Après une licence d’éducation physique dans le but premier de devenir instituteur, Hugo traverse l’Atlantique pour composer ses chansons et aller au bout de sa passion. « La musique était pour moi une façon de me ré-inventer. En grand romantique, j’ai voulu m’isoler pour composer. » De cet exil québécois naîtra au bout d’une douzaine de mois, l’envie de retourner chez lui sur les pentes de la Croix Rousse et de laisser tomber la carrière solo de musicien pour la jouer plus collectif.
De soliste à chef d’orchestre
En 2012, le voilà donc de retour sur les terres de Kent, de Benjamin Biolay et de sa mère, déterminé à mettre son énergie au service des autres. L’idée lui vient de développer un espace de co-working pour un bar où il organise des sessions de slams. Pour ce faire, il rencontre le pape du secteur, Michael Schwartz, 26 ans, créateur de la Cordée, un réseau d’espaces de travail collaboratif à Lyon qui cartonne.
Hasard ou destinée, trois jours plus tard, la Cordée Perrache publie une annonce « cherche couteau suisse, une personne pour animer l’espace de co-working ». « A Montréal, je travaillais pour la Cordée, un genre de Vieux Campeur québécois. C’était forcément pour moi. En plus j’avais gardé la veste. » Est-ce le prestige de l’uniforme, son talent d’animateur ou son sourire irrésistible qui ont conquis Michael ? Qu’importe. Hugo est embauché. Et heureux.
Instrument multi-cordes
Aujourd’hui, dans cet espace où se côtoient quotidiennement une vingtaine de travailleurs indépendants (les encordés), Hugo se fait à la fois ambianceur, régulateur, grand frère, machine à café, gestionnaire. Son rôle est très subtil et demande une finesse incroyable. Il faut à la fois faire régner l’ordre et assurer une ambiance quasi familiale. Depuis cet automne, Hugo est aussi responsable de ruche. « Accueillir une ruche dans nos locaux était pour nous naturel, explique le fondateur du lieu Michael, nos valeurs sont totalement alignées. »
Hugo désigné pour en être le chef d’orchestre, joue sa partition à la perfection, capable aussi bien de recruter de nouveaux producteurs que de transformer son espace en place de marché ou d’organiser une chaîne humaine de cagettes au moment de l’installation. « Travailler pour une communauté, me sentir utile pour autrui, connecter les gens entre eux, j’ai vraiment trouvé ce qui me convenait. »
Aujourd’hui, la ruche de la Cordée compte déjà une bonne dizaine de producteurs et plus d’une centaine de commandes chaque semaine. Chaque mardi soir, l’ambiance y est festive, colorée, gourmande, à l’image d’Hugo qui accueille les membres en musique et ne peut s’empêcher de scander quelques couplets. Dans deux jours, changement de partition. Hugo prendra sa baguette de formateur et expliquera à ses stagiaires comment gérer leur temps, comment repérer ce qui relève de l’urgence ou de l’importance. Dans un coin de sa tête, il y aura forcément un refrain de Gabriel Yacoub : Alors, je me souviens des choses les plus simples / Les choses qu´on a dit ne jamais oublier/ Les choses les plus simples, jamais oublier…
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