Par Philippe Crozet, 25 août 2025

Il y a bientôt 15 ans, en France, nous faisions déjà face à une question importante : pourquoi le système alimentaire a-t-il exclu ses principaux acteurs?

Des agriculteurs et agricultrices, qui travaillent avec soin et savoir-faire, mais qui malgré cela, sont contraints de vendre à des prix injustes, imposés par des intermédiaires qui ne reconnaissent pas la valeur de leur travail.

C’est pour répondre à ce problème de société majeur que Guilhem Cheron, Marc-David Choukroun et Mounir Mahjoubi ont eu l’idée de créer la Ruche qui dit Oui ! 

A l’époque, le circuit-court est un débouché mineur pour les agriculteurs. En tant que consommateur et à moins d’habiter proche d’une ferme, il n’est pas évident de faire ses courses en dehors des circuits de distribution classiques. Consommer local et de saison n’est donc pas facile et parfois même perçu comme une habitude singulière !

Grâce à ses fondateurs, la Ruche qui dit Oui ! pose donc les bases d’un outil web innovant permettant au plus grand nombre d’accéder à une alimentation locale, fraîche et de saison tout en soutenant une agriculture fermière, créatrice d’emplois et de bien-être social. L’idée fondamentale était d’offrir aux circuits courts les outils adéquats pour changer d’échelle et passer à la vitesse supérieure en s’appuyant sur la puissance collective et les forces vives locales de chaque territoire: producteurs, productrices, consommateurs, consommatrices et Responsables de Ruches. Ces derniers sont la pierre angulaire du projet, celles et ceux qui font naître des communautés qui, ensemble, repensent leur façon de produire et de consommer.

Après plusieurs mois de développement, c’est ainsi que le 21 septembre 2011, la première Ruche qui dit Oui ! ouvrait les portes de sa distribution. C’était au Fauga, une petite bourgade de la grande banlieue de Toulouse. Gourmands, voisins, amis et curieux ont poussé le portail d’Odile, leur Responsable de Ruche, pour récupérer les melons, poulets, fromages de chèvre, canards qu’ils avaient commandés sur le site… Quelques jours plus tard, la Ruche du Comptoir Général dans le 10e arrondissement parisien lui emboîtait le pas. Puis il y eut Strasbourg, Paris 13 et Paris 18, Royan, Bordeaux, Tours, Narbonne, Caen, Nîmes, Rennes, Annecy, Lyon… et bien d’autres encore. Au fil des mois et des années, les Ruches ont aussi essaimé un peu partout en Europe (Belgique, Italie, Espagne, Allemagne, Suisse, Pays-bas) pour atteindre un réseau de plus de 1 500 Ruches dont 900 en France.

Après 8 ans d’activité, avec 10 000 Producteurs actifs et plus de 200 000 Membres qui commandent régulièrement en Europe, la Ruche qui dit Oui ! cherche à poursuivre son développement. Les habitudes de consommation ont heureusement évolué : la saisonnalité, l’importance de l’origine des aliments et la condition des producteurs font régulièrement partie du débat public. Mais la Ruche souhaite accélérer sa mission de démocratisation du circuit-court: débute alors une période de diversification des modèles de distribution afin d’offrir de nouveaux débouchés aux producteurs et de toucher des consommateurs différents.

Pour cela, elle décide donc de développer la livraison à domicile, alors en plein essor, en s’alliant au Comptoir Local (marché en ligne de producteur locaux livré à domicile que j’avais co-fondé avec Adrien Sicsic). Rebaptisé La Ruche A la maison ! ce service permettait aux franciliens de consommer local et de saison tout en profitant de la livraison à domicile.

Et pour s’adresser à la grande majorité des consommateurs qui n’était pas encore adepte des courses en ligne (plus de 95% à l’époque), La Ruche lance son propre réseau de boutiques, implantées dans des rues commerçantes à Paris et à Milan.

En mars 2020, la crise sanitaire mondiale liée au Covid frappe l’Europe. Le monde est confiné et les chaînes d’approvisionnement classiques sont en suspens. Les consommateurs peinent à faire leur courses et un vent de panique s’empare des populations. La Ruche qui dit Oui ! démontre alors la pertinence, la puissance et l’agilité de son modèle local et décentralisé. En quelques jours et à travers toute l’Europe, le réseau des Ruches s’organise, non seulement pour continuer à nourrir ses Membres, mais également pour multiplier les volumes disponibles par 5 afin de répondre à une demande qui explose.

Dans cette période terrible, la Ruche qui dit Oui ! a su répondre aux enjeux majeurs de la société et prouver la résilience d’un modèle différent : plus transparent, plus local et plus juste.

Une fois la crise sanitaire passée, la “vie normale” reprend heureusement son cours. Mais avec elle, les nouvelles habitudes de consommation liées au confinement s’estompent peu à peu: les gens retournent au travail et mangent moins souvent à la maison.

En 2022, et suite au déclenchement de la guerre en Ukraine, une vague inflationniste très violente s’abat durablement sur l’Europe et vient également modifier le comportement des consommateurs. Les gens font très attention à leurs dépenses et, dans ce contexte, le budget alimentaire est une variable d’ajustement facile et immédiate (contrairement à d’autres postes comme le remboursement d’un emprunt, le budget transport pour aller travailler, …).

Tous ces changements se ressentent au niveau des Ruches qui perdent beaucoup de Membres. Tout le secteur de l’alimentation durable et du circuit-court est également touché et beaucoup d’entreprises et ou de projets Européen ne survivent pas à ces difficultés.  

Face à des volumes en baisse, certaines Ruches ont évidemment fini par fermer. En tant qu’entreprise, nous avons dû nous adapter et pris la difficile décision de fermer le service de livraison à domicile et les boutiques fraîchement ouvertes.

Mais cette décision nous a permis de concentrer toutes nos ressources et nos efforts sur le réseau des Ruches. Car même s’il a été divisé par deux, un grand nombre de Ruches sont toujours actives et la dynamique s’améliore : le nombre de Membres se stabilise (voire s’accroît dans certaines régions) et les Membres actifs achètent toujours plus.

En survivant à ces difficultés la Ruche a encore une fois prouvé la résilience de son modèle. La Ruche est une histoire de communautés et c’est ce qui la rend si puissante: des gens qui se rassemblent derrière des valeurs communes et, ensemble, font des grandes choses qui permettent de changer le système ! 

Nous pouvons toutes et tous être fiers de ce chemin accompli ensemble !

J’ai hâte de pouvoir vous partager les nouveaux projets réjouissant que nous avons pour la Ruche qui dit Oui ! et de continuer à construire ensemble un système vertueux. Rendez-vous le 14 septembre …