Dans la famille des circuits courts, l’oncle d’Amérique s’appelle Good Eggs et ressemble de près à la Ruche qui dit Oui. Traînant du côté de San Francisco cet été, forcément on l’a rencontré. Hi guy ! Nice to meet you.
Quand on est américain, il faut choisir son camp. Opter pour le régime ribbs, hamburger, soda et faire ses courses en mini scooter dans les hypermarchés gigantesques ou se la jouer ultra healthy et croquer chou kale et super aliments à pleines dents. Sur la côte Ouest, fief de Leonardo di Caprio et de Jennifer Aniston, on appartient plutôt à cette deuxième catégorie. L’ambiance est au maintien de la ligne et à la prise de conscience écologique. C’est d’ailleurs dans la City in the Bay qu’est né le mouvement des locavores en 2005. Au départ, un défi de Jessica Prentice lancé aux habitants de son quartier : « vous êtes cap’ de ne vous nourrir qu’avec des aliments produits à moins de 100 miles du Golden gate bridge ? » Banco, l’aventure démarre. Puis le mouvement s’étend comme une trainée de poudre. En deux ans, le terme locavore entre dans le New Oxford American Dictionary et dans le Larousse en 2010.
A SF donc, en quelques années, le local est devenu une évidence. Les food trucks se donnent rendez-vous chaque jour de la semaine pour des Off the grid, sortes de squatts gastronomiques à ciel ouvert, partout le moindre petit resto indique la provenance des ingrédients de leurs plats et surtout il y a la Mecque du bio-local-ultra réussi : le supermarché Whole Foods côté en bourse. Nos échoppes bio peuvent en prendre de la graine. Pas un seul neurasthénique ici, l’ambiance est joyeuse, détendue. Les étals donnent envie de tout dévaliser, les caissières prennent systématiquement de vos nouvelles, vous félicitent pour votre achat de vin biodynamique et remplissent vos sacs en papier comme si vous étiez leur unique client de la journée.
Bon et le tonton dans tout ça ? Notre circuit-court made in California ? A San Francisco, il s’appelle Good Eggs. Et vous n’allez pas me croire mais on l’a croisé au cul du bus 31. « Local food is good for everybody », est écrit sur une affiche vert pomme, signé Good Eggs qui défile sous nos yeux. Sous le drapeau arc-en-ciel de Castro, je brandis mon smartphone et pianote. La page d’accueil du site présente une belle table de produits locaux avec pain, fenouil, fraises, œufs, lait frais. On me demande où j’habite et on m’informe qu’une vente est en cours. Mais attention, pour récupérer les bons produits fermiers mardi en fin d’après-midi, il me faudra cliquer avant dimanche soir. Tout ça m’est tellement familier… Ni une ni deux, je commande des fraises de la famille Yerena, agriculteurs bio à Watsonville, des concombres et des courgettes de la Riverdog farm, également grande pourvoyeuse d’Amaps appelées Outre atlantique les Community Supported Agriculture (CSA), du yaourt à la fraise au lait entier de Saint-Benoît, du pain artisanal d’Oakland, du chou kale et des pop corn parce que quand même, on est aux States. Total 30,25 dollars mais vu que c’est ma première commande j’ai le droit à 10 box de ristourne. Joli geste !
Mardi, tout le programme de la journée est établi selon la contrainte de la fin d’après-midi : se trouver entre 16h et 17h au 4053 de la 24e rue. Mais à San Francisco, le cable car n’a pas l’efficacité du métro parisien. Résultat, il nous faut une plombe pour traverser la ville et on arrive à 17h20 en sueur devant un 4053 désert. Tonton n’est pas là. Je suis dépitée. Dans le quart d’heure, je reçois un SMS de Bonnie de Good Eggs me donnant le numéro de Chad le livreur qui détient mon trésor. « Hi Chad… I wanted to take the cable mais il y avait so much people… », je la lui fais courte. Il me propose de déposer mon panier à la maison à la fin de sa tournée. Merci Tonton.
19h30. Devant son camion garé à l’arrache devant chez moi, Chad me conte l’histoire de Good Eggs né il y a seulement deux ans. L’entreprise compte aujourd’hui une centaine de producteurs californiens, surtout de toutes petites exploitations, 700 clients par semaine, une cinquantaine de salariés et une très jolie progression : +10% de commandes chaque mois. Je lui parle de la Hive that says yes, on échange sur sur nos points communs et nos différences. La plus importante réside dans le fait que chez Good Eggs, on se charge du dernier kilomètre. 25% du prix de vente permet de financer la prestation de logistique. Par ailleurs, les membres et les producteurs ne se croisent pas. Pas d’approche collaborative non plus, les consommateurs ne peuvent pas s’adresser à une communauté. Too bad.
Chez Good Eggs, les agriculteurs livrent leurs produits dans un grand entrepôt, l’équipe se charge quant à elle de préparer les paniers et de les acheminer à bon port, dans des points définis ou même à domicile. Elle gère aussi toutes les relations avec les clients. « Au départ, les producteurs venaient sur les points de dépôt mais c’était trop contraignant pour eux et, souvent, c’était le bazar. Aussi, on a changé de formule au printemps dernier et a priori, ça semble bien fonctionner. » Puisqu’on est en famille Chad m’invite à la maison visiter le local de Good Eggs. Le point de stockage est ultra sympa. A l’étage, une cantine avec des cuisiniers tournants mijotent chaque jour de bons petits plats. Au rez-de-chaussée, geeks, chauffeurs-livreurs et responsables clients brainstorment dans tous les sens en croquant des fraises biologiques. Dans le warehouse de Dogpatch, on travaille debout, en short et plutôt tard.
De retour à la maison, les courses sont englouties en 3 minutes, toute la smala ravie de trouver enfin du yaourt avec du vrai gras dedans et du pain qui sent le levain. « C’est de la ruche ? » demande le petit dernier un peu largué question espace-temps. On ne pouvait pas imaginer meilleur compliment. C’est tonton qui va être content…
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