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Eleveurs sur la paille, cochons sur le béton

Hier matin, j’ai vu des cochons. Des cochons en plein air, dans une ferme de Normandie. Ils couraient, ils dormaient à l’ombre d’un pommier, ils mangeaient… comme des cochons. Leurs éleveurs semblaient sereins. Ils étaient quatre. Quatre pour 15 cochons, 4 vaches et 35 chèvres. Quatre sur 18 hectares à transformer leur lait en fromage, leurs cochons en rillettes, leurs céréales en pain. Le porc ? Il le valorise à 10 euros le kilo. Le lait ? À dix fois plus que le prix imposé par les laiteries. Ils étaient quatre à vivre bio et bien.

Hier soir, j’ai vu des cochons. Des cochons à la télévision. Des porcs bien gros et bien roses entassés sur des caillebotis en béton. Des animaux qui ne savent même pas que c’est l’été puisqu’on les tient toujours enfermés. Des bêtes que l’on traite et retraite aux hormones et aux antibio. Des bêtes que l’on mutile pour limiter leur agressivité. Des bêtes que l’on coupe en dés de jambon aux exhausteurs de goût. Des bêtes que l’on réduit à un débat de quelques centimes d’euros le kilo.

D’une chaîne de télé à l’autre, des cours de fermes aux ministères, la crise de l’élevage est dans toutes les bouches. Si l’on parle de coût, il n’y est jamais question de goût. Bizarrement, personne ne s’insurge contre ces tranches de jambon qui baignent dans l’eau, contre ces saucissons de gras, contre ces lardons qui fondent à la cuisson. Contre ces kilos de mauvaise viande inutile que l’on ingurgite chaque année. Mangez français qu’on vous dit, qu’importe la qualité.

Comme tout le monde est à la plage, on enterre également la question des algues vertes boostées au lisier de porc. On préfère garder ces mauvaises nouvelles pour la rentrée. Puisque Paris a les yeux tournés vers le ciel et le climat, on oublie aussi la pollution des eaux souterraines et des rivières par les élevages intensifs. Si les cochons pétaient au moins, ils pourraient être invités à la COP 21. Mais ce sont les vaches qui sont responsables des gaz à effet de serre. Un seul problème à la fois.

L’agriculture est en crise. La profession tente de la colmater avec quelques centimes, en sortant les billets pour s’acheter la paix. Jusqu’à quand ? S’il existait un psy de l’agriculture, il conseillerait sans doute d’autres pistes pour la surmonter. Il proposerait d’interroger les entrailles du monde agricole, d’aller chercher à comprendre les mécanismes de cette grande machine qui semble s’être emballée, de remonter l’histoire pour dénouer les noeuds de la mondialisation ou de la politique agricole commune, de repartir à zéro pour repartir tout court. Il faudrait sans doute des années pour y arriver mais au moins ça serait fait. Malheureusement Freud des champs n’existe pas.

La France compte 20 000 éleveurs de porcs. Parmi eux, certains tirent aujourd’hui leur épingle du jeu. Les plus gros ? Les plus intensifs ? Plutôt ceux qui ont vu passer les précédentes crises et pris d’autres chemins pour ne plus jamais y être confrontées. Ceux qui élèvent leurs bêtes en plein air. Ceux qui produisent moins et mieux. Ceux qui préservent nos sols et nos cours d’eau, ceux qui transforment de leurs mains leurs bêtes en boudins ou andouillettes. Ceux qui commercialisent en circuits courts. En faisant le choix de la vente directe, ils ont actionné un formidable levier : celui de fixer eux-mêmes leurs prix. Le prix de leur liberté.

 

11 commentaires

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  1. Ces kilos de mauvaise viande, tout à fait d’accord.
    La solution ? manger moins de viande, comme dans certains commentaires, deux fois par semaine maxi, mais qu’elle soit bonne/bio.
    Mais il faudrait que les recommandations « officielles » cessent de marteler de manger de la viande tous les jours !!! au moins à un des deux repas ! alors que l’on sait depuis la nuit des temps que les associations céréales/légumineuses nous apportent toutes les protéines dont on a besoin !
    Quelle fumisterie que ces discours officiels !

  2. Oui, il est possible de supprimer la viande à tous les repas. Vive les légumes et bio de surcroît ! Je suis atterrée par la vision de ces animaux entassés sans connaître le goût des pissenlits ou des pâquerettes. Comment faire pour diminuer l’élevage intensif qui conduit à la mal bouffe ?

  3. Ah! Qu’est-ce que je me marre avec vos articles. C’est drôle, c’est frais, de bons supports à réflexion.
    Bon d’accord, certains sont mieux ficelés que d’autres. Mais, pour celui-ci, B+ assurément. Merci.
    J’attends les prochains avec impatience.

  4. Bien sûr que l’élevage en plein air et la vente directe c’est formidable, mais peut-on nourrir toute la France de cette façon ?. Beaucoup d’agriculteurs surchargés de travail ne peuvent s’occuper de la distribution de leurs produits et doivent passer par des intermédiaires (qui leur tondent la laine sur le dos) et d’autre part leur qualité a un prix pas accessible à tous.
    Enfin comment les Français peuvent être compétitifs à l’export sans pratiquer un élevage de masse (déplorable) comme nos voisins européens.

  5. entièrement d’accord; trop d’élevage intensif qui nous livrent une viande sans goût et au prix fort car il faut payer grassement tous ces intermédiaires et qui a part se servir d’un téléphone sont nuls. J’ai entendu a la télé un soir très tard un éléveur avoué du bout des lèvres qu’il ne mangeait pas de viande provenant de ses propres animaux et sûrement pas ses enfants. Donc conscient de la qualité qu’il fait manger a ses voisins. Vive la production et la vente direct et merci a la ruche qui dit oui. Oui au bon goût ….manger moins mais mieux et de la qualité

  6. Tout à fait d’accord avec vous, j’aime manger de la viande de temps en temps, mais je me pose de plus en plus de questions par rapport aux conditions de vie des animaux…C’est toute une mentalité qu’il faut changer, mais en masse !!!
    Et où se procurer une telle viande en région parisienne ?

  7. Ce n’est pas obligatoirement l’europe, depuis notre plus tendre enfance, nous avons tous eu un professeur de géographie qui nous a expliqué que le monde agricole a toujours vécu avec des subventions. Une année l’on donne de l’argent pour planter des pommiers, 10 ans plus tard, on s’aperçoit que l’on a trop de pommes, et cette fois ci on donne des subventions pour arracher les pommiers.

    Pour l’élevage, les politiques sont bien responsables de cette crise, et on va la régler en subventionnant une fois de plus. (usine à lisier. photovoltaique), maintenant on va créer du bio gaz. mais on ne parlera toujours pas de qualité.

    Comment voulez vous manger de la viande, lorsque l’on voit ces usines d’élevage, lorsque l’on se promène dans nos campagnes et que l’ on entend des vaches meuglées en permanence, parce qu’elles sont enfermées en stabulation.

    que l’on m’explique la différence entre une stabulation de 300 vaches ou de 1000, l’horreur est toujours la même.

    Pour finir cette réflexion, je suis devenu végétarien, ce n’est pas si difficile.

    on s’apercoit que la consommation de viande est liée au niveau de vie, ainsi que les problèmes de santé.

    1. Tout a fait d’accord, sauf que pour être végérarien, faut-il encore pouvoir trouver des fruits et légumes qu’on puisse manger sans danger. Y a qu’a voir les reportages par exemple sur les pommes, nos bonnes pommes françaises…. quand on a vu cela, on n’a plus envie de manger des pommes non plus…. et c’est la même chose pour tout. Vous me direz qu’il n’y a qu’à manger des produits bio, mais d’abord c’est plus cher et donc pas à la portée de tout le monde, et puis, si tout le monde veut du bio, il n’y en aurait pas assez. Hélas nous n’avons pas tous la possibilité d’avoir notre verger ou notre potager… et sommes donc obligés à ingurgiter des choses pas toujours bonnes, et pourtant il faut se nourrir.

    2. Restons positifs, il faut juste, me semble t il, manger raisonnablement, sans surcharge, sans consommer pour le plaisir, deux fois /semaine de la viande est suffisant et donc ne cessite un moins gros budget qui laisse des possibilité au bio et aux circuits courts et à notre imagination et notre sens de la création…

  8. Totalement d’accord.
    Le souci est que notre société continue à considérer qu’il faut de la viande à tous les repas, donc il faut produire en masse, et moins cher, donc renoncer à la qualité, au respect de notre environnement et des animaux….
    Le pire étant ce qui est proposé dans les cantines scolaires, sachant que ça repart massivement à la poubelle, car les enfants n’en veulent pas, de cette viande de mauvaise qualité, mais on doit leur en mettre dans leur assiette quand même : on marche sur la tête !

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