L’été dernier, l’artiste Côme di Meglio a mené des dîners hypnotiques baptisés TransitionFOOD au Consulat, à Paris, et au centre d’art Gallifet, à Aix-en-Provence. Une expérience surprenante, ludique et poétique.
Il fait noir et déjà frais en cette fin du mois de septembre. Les convives font tour à tour leur entrée dans la cour du centre d’art Gallifet, à Aix-en-Provence. Chacun prend place autour de la table ronde installée sous un dôme. Au plafond, une fresque représente un ciel bleu dans lequel flotte des nuages blancs. La table a été dressée avec une nappe blanche, des verres remplis d’un nectar rose-bordeau et, en guise de couverts, des paires de brindilles reposant sur une petite motte de terre moussue. Une pomme trône à la place de l’assiette. Au centre de la table, repose un prisme en cristal renfermant une fleur de vie. C’est une œuvre que Côme a conçu avec Dariu, son ami hypnothérapeute qui a bien voulu lui faire partager sa connaissance de l’hypnose.
Un gourou qui sculpte l’atmosphère
Côme, de sa douce voix, invite chacun à se présenter. Le nombre de convives s’établit à huit : un couple formé par un chef aixois et une vigneronne récemment reconvertie, deux amies d’une quarantaine d’années, une Japonaise plus toute jeune aux cheveux ras et roses, une jeune prof de lettres de Paris fraîchement débarquée dans le Sud et un couple venu de Marseille. Vêtu d’une chemise blanche impeccable, Côme tient le rôle de gourou de la soirée. Personne ne sait exactement à quoi s’attendre, mais cela semble convenir à tout le monde de laisser planer le mystère et faire confiance à cet artiste à peine trentenaire qui se définit lui-même comme un sculpteur d’atmosphère.
Le dîner commence par une séance d’hypnose. Côme appelle les participants à se concentrer sur la flamme de la bougie posée devant chaque verre, puis à imaginer un arbre et le planter dans le lieu de son choix — un lieu porteur de sens. Ceux qui le désirent peuvent ensuite partager avec les autres les images qui leur sont venues. Puis chacun est invité à croquer dans la pomme et à déguster l’infusion concoctée par Côme. Il dépose ensuite dans les écuelles une feuille de palmier contenant un plat végétarien aux saveurs et textures multiples. Là encore, le mystère plane sur le contenu du plat. La dégustation se fait en silence à l’aide des baguettes-brindilles.
Un pâtisson en forme de vase chinois
Quelques instants plus tard, Côme détaille le plat qu’il a préparé. Ses légumes viennent du marché du cours Julien, un marché de producteurs à Marseille où nombre de chefs se rendent le mercredi, dès l’aube. J’ai découvert le pâtisson de début de saison, cette petite courge crénelée qui ressemble à un vase chinois et qui peut être jaune, céladon ou blanc. Un ingrédient devenu central dans la cuisine du jeune homme, sensible à la dimension esthétique des produits. Lors des premiers dîners, début 2018, l’artiste s’est fait accompagner par Matthieu Roche, le jeune chef aixois de la récente mais déjà réputée table marseillaise Ourea, avant de se lancer seul en cuisine. Il faut toujours un aliment pour en contrebalancer un autre, a-t-il retenu. J’ai créé des briques de goût qui ont fini par trouver du sens dans un plat que j’ai servi tout l’été lors de ces dîners.
La conscience augmentée
Sculpteur porté par la joie plutôt que le pathos, Côme n’était pas destiné à devenir cuisinier. C’est après avoir fait un jeûne de plusieurs jours que son regard sur la nourriture a changé. Il comprend alors l’énergie qu’apporte la nourriture, y compris du point de vue spirituel, et réalise que pour aider les gens à retrouver un regard poétique, magique et sacré sur la nourriture, il est nécessaire de créer un environnement permettant de casser les habitudes. J’avais moi-même ce rapport avec les œuvres d’art, explique-t-il. Pour éprouver de l’émotion, il faut être mis dans de bonnes conditions. Le fait de créer un sas grâce à l’hypnose permet d’accéder à une conscience augmentée. Les courbes du dôme, la fresque de ciel bleu, l’acoustique particulière de cette chapelle ouverte, mais aussi l’hypnose, qui permet d’accéder à un état de conscience proche du rêve, amènent les convives à plonger dans une véritable expérience intérieure.
Durant les sessions d’hypnose qui se succèdent au cours du repas, chaque ressenti, chaque perception est très personnel. Celui qui prend la parole prend aussi le risque de se dévoiler et de vivre une vraie expérience de partage, l’écoute des autres étant intensifiée par le silence. Les échanges sont d’autant plus intenses qu’ils sont nourris par des moments de présence à soi, estime Côme. Contrairement aux soirées habituelles où musique, alcool et discussions animées participent à la sensation de monter en puissance, l’hypnose amène à une stimulation intérieure et rend chacun plus sensible à la beauté et à l’harmonie. Expérience reposante et intimiste, ce dîner sans éclats, sans alcool, loin de la folie ordinaire, permet de plonger dans l’extase de chaque seconde, de renouer avec soi pour donner aux autres ce qu’à l’instant, l’être en conscience est en capacité de donner.
Pour participer aux dîners de Côme Di Meglio, renseignez-vous à l’adresse suivante : come@transitionfood.fr
Illustrations : Lygie Harmand.
Aucun commentaire
Close