D’un côté des pâtes à tartiner qui tuent à petit feu l’Amazonie, de l’autre du chocolat cru qui valorise les peuples qui y habitent. Porte-parole d’une alimentation bien vivante qui ne fait pas monter la température, Frédéric Marr nous a ouvert les portes de sa chocolaterie Rrraw à deux pas de Paris.
Ils étaient là sur le plateau de Télé matin en décembre 2014. Superbes dans leur tenue amazonienne. Peintures sur le visage, grigri, turban, Walter Lopez et deux autres chefs indiens témoignent des méfaits de notre addiction au chocolat sur leurs forêts. Sur leurs lieux de vie. « Cela me rend triste de voir toute cette déforestation, c’est vraiment de l’inconscience, rapporte Walter. Cela nous laisse démunis. » Ces indiens qui voient leurs forêts primaires partir en cultures intensives de cacao se félicitent dans le même temps de voir pousser des initiatives comme celles de la chocolaterie Rrraw, première entreprise hexagonale « beans to bars », de la fève à la tablette.
« Pour maintenir la production actuelle de cacao, il faudrait raser environ 6 millions d’hectares supplémentaires de forêts dans les prochaines années » estime le Programme des Nations Unies pour le développement
Pour ses chocolats, Frédéric Marr, fondateur de Rrraw travaille avec l’association Cœur de forêt et les tribus Chipibos du Pérou. « C’est là-bas, à 800 mètres d’altitude que l’on trouve les grands chamanes et des fèves de cacao criollo exceptionnelles, » explique le passionné. Ces cacaoyers semi-sauvages à très faible rendement produisent en effet un grand cru qui révèlent des saveurs rares et subtiles. « Quand tu commerces de façon juste, les peuples te réservent le meilleur de leur récolte. C’est un putain de cercle vertueux. » L’éthique, dans le domaine du chocolat n’est pourtant pas la panacée. L’Organisation internationale du travail estime à 250 000 le nombre d’enfants à besogner dans les plantations de Côte d’Ivoire et du Ghana.
Frédéric, lui, utilise des pratiques à l’opposé des grands groupes industriels. S’il s’est lancé dans le chocolat cru il y a quelques années, c’est parce qu’il croit aux vertus de l’alimentation vivante. Le cru, l’énergétique, le traditionnel, le magique, le sacré font partie de son univers. Le cacao, à l’instar des algues ou des graines germées y trouve toute sa place.
« En 2005, je suis parti faire un mini tour du monde nutritionnel et culinaire, explique le quadragénaire. J’ai cherché partout dans le monde la cuisine la plus énergétique. Au début l’idée était de pouvoir dormir le moins possible en ayant la pêche. Avec le temps, je suis devenu plus subtil dans mon approche. » A son retour, Frédéric borde ses connaissances de terrain par une formation longue en naturopathie, devient le fer de lance de l’alimentation crue en France, créé notamment le site nutrivitalite.fr et se lance dans le chocolat cru.
Le grand blond taxe alors une Malboro à son collègue et se voit immédiatement obligé de se justifier sur le fait qu’en-réalité-il-a-arrêté-de-fumer-mais-que-ce-matin-il-lui-faut-ces-quelques-bouffées-pour-se-réveiller. Le chocolatier macrobiotique n’est pas dogmatique. Tant mieux. « La plupart des offres biologiques sont terriblement déprimantes. Avec le chocolat cru j’insiste sur la notion de plaisir. En réalité, je suis tombé amoureux de la matière. »
Cette matière première, le chocolatier la considère comme une princesse, un diamant brut, une fleur qu’on n’effeuille jamais. Les fèves biologiques ne sont pas torréfiées pour garder un maximum de nutriments. « Les tests ORAC (un indice du niveau d’anti-oxydants NDLR) montrent que le cacao cru contient trois fois plus d’anti-oxydants que le chocolat noir conventionnel issu de fèves torréfiées. » Aussi, à toutes les étapes de fabrication de ses chocolats, Frédéric ne fait jamais monter la température au-dessus de 40°C. « J’aimerais même réussir à descendre encore un peu, symboliquement parce qu’un corps humain qui a 40°C est malade. Je rêve d’un 37,2°C le matin, le midi, le soir pour mes chocolats. Je n’en suis pas loin. »
« Dans l’industrie classique, les chocolatiers passent par des couverturiers qui récupèrent les fèves, les torréfient, les concassent, les broient, les pétrissent et leur vendent une pâte de chocolat toute prête. En France, ils ne sont qu’une quinzaine à travailler directement avec la fève. Ducasse vient même de rejoindre le mouvement « Beans to bars ». »
Pour le reste, Frédéric n’apporte aucune matière animale, sa marque est vegan, c’est-à-dire 100% végétale. Pas d’ingrédients raffinés non plus dans ses recettes mais du sucre de fleur de coco, l’un des édulcorants naturels à l’indice glycémique le plus bas, du miel, des ganaches d’oléagineux… Un de ses prochains chocolats devrait même utiliser de la poudre de cresson séché, un produit Sentinelle Slow Food cultivé à moins de 50 kilomètres de son atelier. « Celui-ci est au sésame. Je l’ai créé en pensant à ma grand-mère qui a vécu longtemps en Algérie. Je me demandais ce qui pouvait lui ressembler…» Rrraw, un cri d’amour, un cri du cœur, un cri du cru.
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Bonjour,
J’ai récemment participé à un cours de cuisine où l’on m’a affirmé qu’il n’existe pas de chocolat cru, car même s’il n’y a pas de torrefaction, il y a un passage dans un bain d’acide.
Pouvez-vous svp m’éclairer ?
Merci beaucoup,
Bien à vous.
Cristina
[…] Chocolat Cru […]
où puis je trouver cette chocolaterie pour acheter son superbe chocolat???
remerciements
Un bien joli article qui renvoie à la matière comme à l’imagination, et aux attributs « moraux » des plantes et des produits qu’on en tire. Merci! Une question: je suis étonnée de ne pas voir le guarana mentionné dans le tableau de valeurs, est-ce un produit que vous avez rencontré Mr. Marr? Je travaille dessus et trouve énormément d’échos entre la façon dont vous décrivez la production du cacao amazonien et celle dont on me parle du guarana, qui vient aussi de là-bas.
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Merci l’abeille plume …. et pour fêter l’arrivée de Rrraw dans quelques ruches parisiennes, à la rentrée nous proposerons 68-BEEZ un chocolat cru au Miel et Pollen de Châtaigniers