Les villages perdent leurs commerces ? Certains les réinventent aussi. A Châteaufort dans les Yvelines, les habitants ont créé une épicerie locale et participative : l’Epi castelfortain.
Jusqu’au mois de janvier dernier, la commune de Châteaufort dans le Parc naturel régional de la Haute Chevreuse n’avait pas grand chose pour ravitailler ses 1480 habitants. L’activité commerciale se résumait ici à une boulangerie, 4 restaurants, un salon de coiffure et une agence immobilière. A la mairie, nous avons réfléchi sur les actions à mettre en oeuvre pour donner de la vie au coeur du village, explique l’élu Alain Poullot. Ouvrir un commerce alimentaire est arrivé en tête sur la liste des bonnes idées. Le problème c’est que la nouvelle ne résonne pas aussi favorablement aux oreilles des professionnels qui ne voient en Châteaufort qu’un village excentré, pas assez fréquenté. Tous préfèrent décliner l’invitation. Qu’à cela ne tienne, on s’est dit qu’on allait créer notre propre épicerie, explique Alain.
La commune qui n’hésite pas à demander l’avis de ses habitants pour ses aménagements, de l’éclairage public à la connexion haut débit, invite les Castelfortains à réfléchir sur ce que serait pour eux le commerce idéal. Vaste débat ! Un groupe d’une dizaine de personnes motivées, dont des élus (tout aussi motivés) se met en place et esquisse les contours de l’épicerie d’aujourd’hui : une épicerie certes, mais aussi un lieu favorisant le lien social, et invitant chacun à réfléchir à ses propres pratiques alimentaires.
Dans un premier temps, les habitants décident de définir une liste de 150 produits de base, les indispensables, ceux dont on ne peut absolument pas se passer. La pâte à tartiner au chocolat fait débat, les gueules sucrées emportent la manche. Le petit groupe de gourmands choisit ensuite de privilégier l’approvisionnement local (dans le Parc et sur le Plateau de Saclay), de sélectionner des producteurs en direct lorsque c’est possible, d’opter le plus souvent pour le bio, de ne proposer qu’une seule marque par produit. Les rayons yaourts des supermarchés donnent le tournis, ici c’est plus simple, on n’a qu’une seule référence, précise Alain. Pendant les diverses réunions, sont débattus les jours d’ouverture, le fonctionnement général de l’épicerie, la répartition des tâches… En quelques mois, 80 familles rejoignent le projet.
En décembre dernier, l’heure de passer aux choses sérieuses à sonné. La mairie prête le rez-de chaussée de son local associatif situé sous les arcades ? Il faut désormais l’aménager. Chacun est invité à faire sa part, à nettoyer l’espace, à repeindre un mur, à installer des étagères. Tout le monde est venu avec des meubles, des boîtes à outil, une perceuse, un PC. On ne sait pas qui a donné quoi mais ce qui est sûr c’est que l’on n’a pas eu à investir un euro. En quelques heures, le local change de peau.
L’ engouement est le même lorsqu’est mise en place la gestion de la boutique. Sur le grand planning partagé en ligne, les uns s’inscrivent pour la comptabilité, les autres pour la logistique, d’autres encore pour tenir les permanences de l’épicerie qui est aujourd’hui ouverte 14 heures par semaine. Chacun est tenu de rendre deux heures de services par mois, explique Alain, ce n’est presque rien. Les membres doivent aussi s’acquitter d’une adhésion modique (30 € par an, 15 € pour les familles monoparentales) et alimenter par avance leur porte-monnaie électronique avant de pouvoir commander. Cela nous permet d’avoir toujours de la trésorerie. Toute cette mécanique est particulièrement bien conçue et développé sur le site internet de l’Epi castelfortain. On a pas mal de pros de l’informatique dans nos membres, se félicite Alain. Notre site est un millefeuille de choses simples qui, mises bout à bout, font un outil particulièrement performant.
Dans l’épicerie, l’offre proposée est aussi alléchante que financièrement intéressante. Certains produits, le frais notamment, se pré-commandent en ligne, d’autres peuvent s’acheter sur place. Les prix pratiqués sont ceux du commerce de gros sur lesquels il n’y a aucune marge, la communauté étant entièrement bénévole. Nous avons dû créer une association pour pouvoir ouvrir un compte à la banque mais dans les faits nous aurions pu être un simple groupement d’habitants sans statut spécifique, rappelle l’élu.
Depuis son ouverture en janvier, les demandes d’adhésion se multiplient chaque jour. Il faut dire que tous les ingrédients sont réunis pour que le principe séduise : l’aventure est économique, écologique, conviviale, solidaire gourmande. Faire ses courses devient est vrai plaisir. Les personnes qui vous accueillent sont ravies de le faire, on vous propose systématiquement un café ou une boisson, vous pouvez vous assoir pour discuter, travailler ou refaire le monde. Normal, à l’Epi castelfortain vous êtes chez vous !
Article paru précédemment dans l’Echo du Parc, le magazine du Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse.
Superbe concept !