C’est l’histoire d’un petit grain doré, gorgé de soleil qui éclate dans la bouche et sauvegarde tout un pan du patrimoine culturel. C’est l’histoire d’un grain de chasselas de Moissac…
Quel est le point commun entre la tapisserie d’Aubusson, la porcelaine de Limoges et le chasselas de Moissac ? Tous sont inscrits à l’Inventaire National du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Unesco. «Bien que fragile, le patrimoine culturel immatériel est un facteur important du maintien de la diversité culturelle face à la mondialisation croissante, rappelle l’Organisation des Nations Unies. Manger du raisin chasselas de Moissac, c’est donc lutter contre l’uniformisation galopante, soutenir un savoir faire ancestral, encourager chasselatiers et chasselatières à produire le nectar du raisin de table.
Puisque grappiller est un acte quasi-politique, on ne va pas s’en priver et ça tombe bien puisque c’est désormais la saison. Direction Saint-Nazaire de Valentane pour piocher les bonnes grappes de la famille Falques. À une quarantaine de kilomètres d’Agen, Émilie et Régis cultivent 2,5 hectares de vignes*.
Tout à la main
La récolte vient de commencer et va se poursuivre jusqu’aux premières gelées. On cueille tous les jours à la main, explique le fils de paysan reconverti à la vigne il y a 5 ans. La tâche est minutieuse. Seules sont choisies les grappes à pleine maturité, de teinte dorée. Elles sont cueillies délicatement, une à une afin de préserver la pruine, cette petite couche cireuse qui recouvre le grain. Chaque grappe fait ensuite l’objet d’un ciselage, véritable travail d’orfèvre où, à l’aide de ciseaux spécifiques très pointus, tous les grains indésirables sont enlevés. Une personne cueille environ 60 kilos par heure. Ce qui donnera en fin de la saison, 40 à 50 tonnes récoltées, conclut le trentenaire.
1 hectare de chasselas exige environ 1 200 heures de travail par an.
Origine contrôlée
Le chasselas de Régis, comme celui des 250 autres producteurs qui bénéficient de l’Appellation d’Origine Contrôlée (rappelons que ce raisin est, en 1971, le 1er fruit frais à obtenir le label AOC), pousse sur un sol bien particulier, assez caillouteux, apprécie une température moyenne de 10°C, de faibles variations thermiques et une longue période de beau temps en automne. Il aime aussi qu’on le soigne avec modération.
Nous commercialisons une partie de nos raisins en vente directe, explique Régis, les consommateurs veulent du raisin qui peut être mangé sans être lavé. Le sien donc ne contient aucun résidu sur ses grappes. Je traite peu et j’utilise souvent des produits autorisés en agriculture biologique. Et puis il y a toujours au moins 3 semaines entre un traitement et une récolte.
Par ailleurs, pour être reconnu en AOP, son raisin doit atteindre un indice de maturité supérieur ou égal à 25 (le fameux rapport sucre/acidité) et détenir une teneur en sucre supérieure ou égale à 160 g/l au moment de la cueillette. Mais quand on demande à Régis pourquoi son chasselas est si bon, il répond sans ambages : la fraîcheur. Mon raisin est cueilli la veille de la distribution, dans les grandes surfaces les grappes ont souvent une semaine. Dans mon exploitation, on ne triche pas.
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*Et trois variétés de raisin : italia, muscat et chasselas
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