Je mange avec les yeux et marche avec le ventre. Chez moi, la pause pique-nique est une affaire sérieuse, et je n’oublie jamais de remplir mon sac à dos de victuailles pour faire de chaque pause rando un grand festin. Lors d’un week-end de printemps, direction le sud du parc des Cévennes pour déjeuner face au cirque de Navacelles.
Jour 1. Nous franchissons les portes du Gard après plusieurs heures de route sous la neige. Décidément, il n’y a plus de saison ! La petite commune du Vigan semble endormie, quand soudain une placette se fait plus animée. Ce matin, un monsieur au trombone (qui doit avoir très froid aux mains) ainsi qu’une poignée de producteurs courageux ont décidé de braver le froid. La première vendeuse que nous croisons est tout sourire. Nous la dévalisons en prévision de notre pique-nique : duo de pélardons, fromage blanc de chèvre, crème de marron.
Une petite troupe se réchauffe sur le stand d’à côté avec du café et des pâtisseries. On attrape nous aussi une brioche d’inspiration turque, fourrée à la crème de sésame. Ce dolama n’est certes pas très cévenol, mais j’aime bien l’idée d’un voyage dans le voyage. Notre route se poursuit avec une halte dans la petite exploitation agricole du domaine de la Foux, pour compléter notre panier gourmand d’oignons doux et de jus de pomme.
Côté pile : Le cirque de Navacelles
Jour 2. Nous mettons cap au sud avec nos victuailles, et quittons la zone officielle du parc national des Cévennes pour nous enfoncer dans l’immensité du Causse, vaste et haut plateau calcaire, à cheval sur les départements du Gard et de l’Hérault. Nous traversons à pied pendant plusieurs heures de grands horizons arides pendant que dans notre sac, ça fait gling-gling. Le paysage commence à se faire monotone tandis que nos estomacs attendent impatiemment l’heure du festin.
Le cirque de Navacelles se découvre subitement au creux d’une vaste steppe qui semblait pourtant ne plus finir. Le spectacle qui s’offre à nous est saisissant. 300 mètres plus bas, au milieu de ce canyon de 2 kilomètres de long, nous distinguons le surréaliste hameau de Navacelles : oasis coincée entre les pentes abruptes du cirque et les étendues steppiques des plateaux caussenards. La pierre – tantôt nue, tantôt colonisée par la végétation – structure le paysage. Chênes verts, buis, genévriers ou amélanchiers s’épanouissent sur les versants des gorges alors que peupliers et saules bordent le ruisseau en contrebas.
Happés par l’immensité du décor, nous n’en oublions pas moins que l’heure du déjeuner est passée depuis plusieurs heures. Nous sortons du sac les ingrédients qui composent notre pique-nique, le paysage ne va pas disparaître et nous aurons tout le temps de l’admirer un morceau de fromage dans le bec.
Côté face : Pélardon, oignons doux des Cévennes et Reinette du Vigan
Mai, c’est la croisée des saisons. Au menu du tant attendu déjeuner : derniers oignons doux et premiers pélardons. Ce fromage au lait cru de chèvre, en forme de petit palet rond – à ne pas confondre avec son cousin le picodon (plus à l’est) ou le rocamadour (plus à l’ouest) – doit sa signature aromatique à la végétation méditerranéenne où pâturent les chèvres plus de la moitié de l’année : prés, garrigues, landes ou châtaigniers. Sa fine croûte fleurie peut être blanche, jaune pâle ou bleue selon son affinage. Pour nous aujourd’hui, le pélardon sera demi-sec, et s’accompagnera d’un confit d’oignons doux.
D’ailleurs, je ne connaissais pas l’oignon doux. Celui des Cévennes a la robe nacrée, et ses tuniques sont fines et brillantes. Aussi bon cru que cuit, il ne fait pas pleurer et se conserve tout l’hiver ! Celui que nous ajoutons cru à notre salade du jour (radis, pommes, chou blanc) ne pique pas du tout, il est encore juteux, presque sucré.
Exceptionnellement, nous avons aussi glissé dans notre sac de rando une bouteille de jus de pomme. La reinette du Vigan – star des Cévennes – a été pressée encore verte pour donner une boisson fraîche, très aromatique. J’aime bien ces délices « bonus » qui nous aident à mettre un pas devant l’autre sur les derniers kilomètres de marche, et rendent la pause du midi encore plus singulière.
On aurait bien commandé un rayon de soleil pour la dégustation, mais avec l’immensité du cirque sous les yeux et la crème de marron en dessert, voilà nos papilles et nos pupilles comblées.
Confit d’oignons doux
Les ingrédients |
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5 oignons doux 25 g de beurre 150 ml de jus de pomme 25 ml de vinaigre de cidre 20 g de sucre Quelques branches de thym Sel, poivre |
Émincez les oignons puis faites-les revenir dans une casserole avec le beurre. Quand les oignons sont translucides, ajoutez le sucre, le jus de pomme, le vinaigre et le thym. Salez et poivrez. Laissez mijoter à feu doux pendant environ 45 min, en remuant souvent pour que les oignons n’accrochent pas. Quand le liquide est complètement évaporé et que les oignons sont bien colorés, stoppez la cuisson. Goûtez et rectifiez l’assaisonnement si besoin.
Note : N’hésitez pas à remplacer le beurre par de l’huile, et le vinaigre de cidre par du jus de citron. Cette recette autorise de nombreuses fantaisies.
Les producteurs du menu cévenol
Pélardons crémeux et demi-sec – Lili Planque (Mas d’Endeveille)
Crème de marron Dauphines des Cévennes – Sylvain Planque (Mas d’Endeveille)
Jus de pomme de reinette du Vigan – Domaine de la Foux
Oignons doux – Domaine de la Foux
Fromage blanc de chèvre – Lili Planque (Mas d’Endeveille)
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PILE / FACE est une série imaginée par Noémie Malaize pour la Ruche qui dit Oui ! Un œil sur le paysage et l’autre dans l’assiette – elle nous envoie ses cartes postales depuis les 4 coins de la France, au fil des saisons et de ses escapades gourmandes.
Prochaine expédition dans la vallée du Biros avec de nouvelles surprises au menu.
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