Depuis plus de 20 ans, Alain Divo agriculteur expérimente la valse agricole à trois temps, élevage/paysage/biodiversité. Spécialiste de l’éco-pâturage, il prouve aujourd’hui qu’il peut même ressusciter les terres les plus inertes. Rencontre sur son lopin de terre à Fontenay-les-Briis (91).
« En France, 165 hectares par jour dégagent sous le béton. » « Un milliard d’êtres humains sur terre vivent de l’agriculture urbaine… » « On achète de la terre végétale comme des brosses à dents. » « Le certifiphyto obligatoire pour les agriculteurs et les paysagistes, c’est un vrai permis de tuer. » Alain Divo aime les formules qui secouent. « On va perdre 50% des insectes d’Ile-de-France en 9 ans », prévient également le jeune quinquagénaire. Pourquoi 9 ans précisément ? « Parce que ça fait un an que je reprends les chiffres de l’UICN et que tout le monde s’en fiche. 9 ans bizarrement, ça fout plus les jetons qu’un chiffre rond. » Durant les trois heures de rencontre, Alain empile les propos électrochocs à la manière des cultures en couches qu’il aime tant défendre.
Accumuler les savoirs et les superposer constitue pour le paysagiste une pratique qu’il maîtrise bien. « J’ai commencé par décrocher un BTA agricole dans les années 80 mais le discours pro-produits chimiques m’a fait fuir. Je me suis alors tourné vers la voie d’architecte-paysagiste et là, même topo. Diplômé, j’ai décidé de créer ma propre entreprise mêlant ces deux compétences avec des exigences naturalistes par dessus le marché. » Magnifique idée. Seulement voilà, c’était il y a 23 ans. Un siècle sur l’échelle de la prise de conscience écologique. Aussi, quand Alain propose à ses clients d’installer des ruches chez eux, on rigole bien. Lorsqu’il suggère de faire brouter des moutons pour entretenir l’espace, c’est l’hilarité. Qu’à cela ne tienne, puisqu’il ne trouve pas de clients pour ses idées, Alain se les applique à lui-même.
La démonstration commence par de l’éco-pâturage réalisé avec des espèces rustiques. L’éleveur débute avec quelques spécimens pour rassembler aujourd’hui 180 bêtes, des moutons solognots, de Ouessant ou des Landes de Bretagne, des vaches Bretonne pie noire (ou bleue), Froment du Léon et des chèvres des Fossés dont il est actuellement le vice-président de l’association garante de leur survie. Les villes de Paris, Montreuil, Montrouge, les parcs de Sceaux ou de Chamarande accueillent aujourd’hui une partie du troupeau pour se passer de tondeuse. « J’entretiens actuellement 150 hectares, c’est pas mal ? ».
Avec sa casquette de paysagiste, Alain teste également de nouvelles pratiques et va même jusqu’à récréer de la vie dans les cimetières. Pour s’expliquer, le Géotrouvetout dégaine une petite boîte en métal. Dedans une poudre grise. « Ce sont des mycorhizes. » Suit alors un cours de sciences naturelles pour rappeler le rôle de ces micro-grains. « Ils entrent dans le système racinaire des plantes et permettent alors aux racines de capter l’eau et les sels minéraux. Sans ses micro-champignons, pas de vie. » Dans les allées des cimetières, Alain se sert de ces mychorizes pour réinviter herbe et graminées. De Saint-Chéron à Montrouge, l’herbe verte a remplacé les blanches allées.
Dans un coin de sa ferme, l’agriculteur-paysagiste va encore plus loin. Récemment, il a récupéré de la terre de remblai « un truc dégueulasse sur lequel rien ne pousse » pour faire ses expérimentations. Dessus, il y a déposé un mélange de bouses de ses animaux (rentrés l’hiver dans la stabulation) et de paille qu’il récupère gratuitement en fauchant les champs de ses voisins. Peu à peu, la terre revit, comme par magie, il y a même plein de plantes qui poussent dessus. « Il n’y a pas de terre morte, Pierre Rabhi arrive même à cultiver le désert. » L’alchimiste assure que la rusticité des bêtes y est pour quelque chose. « Je suis certain que leur flore intestinale est plus riche que leurs cousines industrielles. Leurs excréments valent de l’or. J’aimerais que l’INRA vienne un jour le prouver. »
En attendant les preuves scientifiques, celui qui souhaite faire sa part comme le colibris, prévoit d’installer un maraîcher sur 3000 m2 de terres que la Fondation Charles Ferdinand Dreyfus lui a louées. « J’aimerais appliquer les principes de la hugelkultur. Cette technique issue de la permaculture consiste à créer des sols de culture en créant des lasagnes de matières en décomposition : bois, compost, paille… »
Avec les déchets des chantiers paysagistes et de sa commune, la bouse des ses animaux, la paille qu’il récolte, Alain pourrait presque se passer de sol et faire école. C’est d’ailleurs dans cet objectif qu’il vient de mettre sur pied le CERAUE, le Centre d’étude et de recherche en agro-écologie urbaine et écopaysage avec une poignée d’autres passionnés (Marine Divo, Franck Jault, Philippe Grandpierre…). Par des rencontres, des formations, des conseils, l’association entend essaimer et convaincre les générations montantes des bienfaits d’une agriculture-paysagère circulaire.
Une première classe s’apprête d’ailleurs à assister à l’une de ses animations. En se quittant, Alain également naturaliste nous livre in extremis un de ses grands bonheurs du moment. « Cet été sur mes talus, j’ai pu observer le lézard des murailles. J’étais comme un fou, je sautais partout. »
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Article paru précédemment dans l’Echo du Parc, le magazine du Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse. Photos © David DUCASTEL / Philéas Fotos
Bonjour
Je suis architecte paysagiste et j’essaie de consulter le site du CERAUE. Je souhaite connaitre vos formations et vos approches. Ce sujet m’intéresse beaucoup;
Laurence BREGENT
Petite précision « technique »: les « mycorhizes » ne sont pas une poudre, mais bien le résultat de l’association entre un champignon et les racines (d’ou le nom: myco=>champignon, rhize=rhizome, racine, etc… merci l’etymologie).
Cette association est mutuellement bénéfique, à la fois au champignon et à la plante propriétaire des racines.
Je suppose que la poudre grise sont des spores de champignon qui font facilement des associations de ce type, comme les Glomeromycota par ex.
Pour quand les cours pour nos énarques ? Le bon sens, le bon sens « bordel »