Osons la betterave en botte ! Feuilles et tiges offrent autant de saveurs, de couleurs et de vertus que sa racine charnue. Demandez-la à votre maraîcher, qui la destinait à coup sûr au compost, pour cuisiner cette merveille vermeille dans sa totalité.
Come-back
Depuis des temps immémoriaux, on la cultivait pour ses feuilles, voisine des blettes, des poirées au potager. Sa racine était fine mais son surprenant goût de miel inspira les maraîchers. Quelques hybridations plus tard, la voici enflée, gorgée de jus dont on parle avec gourmandise comme le sang de la terre. Désormais désirée pour sa rave et oubliée pour ses blettes. Il faut attendre que chefs étoilés et influenceurs, portés par une conscience anti-gaspi, reprennent du poil de la botte : retour en grâce sur les étals, présentée toute habillée, très collet monté.
Vous vous dites, c’est bien joli, mais qu’est-ce que j’en fait ?
Suivez le guide !
Dure de la feuille
Autant le dire tout de suite, après avoir passé plusieurs semaines en plein champ, ses feuilles ne sont pas aussi tendres que les jeunes pousses de betterave spécifiquement cultivées pour figurer en beauté dans un mesclun.
Qu’à cela ne tienne ! Les crudivores les éminceront très finement pour pallier cet inconvénient sans renoncer à ses bienfaits en salade. Et ils sont nombreux. Les anciens ne s’y étant pas trompés en l’utilisant depuis l’Antiquité exclusivement en plante médicinale.
Sinon, en mode cuit, préparez-les comme toutes les autres potagères à feuilles vertes : épinard, tétragone, blette…
Retour de marché
Séparez la racine des tiges en les coupant à trois centimètres du collet.
Brossez sous l’eau la racine pour ôter la terre. Éliminez feuilles et tiges abîmées. Baignez les autres rapidement puis enveloppez-les dans un torchon pour maintenir leur humidité. La toilette est terminée ! Allez hop, dans le bac à légumes si vous n’avez pas encore décidé de leur sort.
Rubik’s cube
Oh ! La sempiternelle salade de betterave en cubes baignant dans une simple vinaigrette a vécu. La créativité des chefs fait de sa racine leur favorite en robe rubis : elle illumine tous les plats divers d’hivers. Cuite en croûte de sel, à l’anglaise, à la vapeur ou rôtie, elle dévoile toutes ses facettes en raviole, cappuccino, chips, écume, carpaccio, tartare, sorbet, coulis, confite… Elle n’a pas de limites !
Des affinités de saison ? Les agrumes, la grenade, la fleur d’oranger, les câpres, la mâche, le cumin, le gingembre, l’aneth, le cerfeuil, l’ail, le fromage de chèvre, les pâtes persillées, les poissons fumés, les huiles de sésame, noix et noisette…
Du goût et de la couleur
Du goût :
Ne demandez pas l’impossible à la betterave. Sa croissance souterraine lui confère un goût terreux, plus marqué lorsqu’elle est cuite. Laissez-la mariner ! Un petit quart d’heure avec un jus d’agrume ou du vinaigre balsamique. Acidité ou sucrosité sauront y remédier.
De la couleur :
Vous avez râpé une betterave crue et voilà vos mains toutes roses même si vous leur avez passé un savon ?
On comprend pourquoi la bétanine qu’elle contient est largement utilisée comme colorant alimentaire. Nom de code : E162
Approuvé par l’Union Européenne pour son innocuité, mais non listé en bio. À l’instar de l’industrie agroalimentaire qui n’a pas de scrupules à l’utiliser pour donner de l’appétence à une saucisse ou un yaourt à la fraise un peu trop pâlot.
Alors serait-elle aussi une plante tinctoriale ?
Son jus rouge est trompeur et ne résiste pas au lavage. En revanche, l’acide oxalique contenu dans ses feuilles peut jouer le rôle de mordant pour un mordançage sans alun. Une alternative écologique et naturelle qui ne fonctionne que sur les fibres de la laine et de la soie.
En peinture végétale, elle fait le bonheur des aquarellistes. À vous de diluer le jus plus ou moins pour obtenir un nuancier allant du rose pâle au violet.
Vous êtes plutôt acrylique ? Incorporez un peu de farine de blé pour l’épaissir et le tour est joué !
La teinte qui cloche
Pour d’incroyables recettes « so pink et girly », la betterave fait son show sur les réseaux sociaux. Mais dans votre cuisine, c’est la cata ! Le rose malabar attendu s’est mué en marron pas folichon. On vous dévoile le pot aux roses : la faute à l’instabilité de ses pigments, sensibles aux températures élevées, à l’oxygène, la lumière et au PH. De violet rouge en milieu acide, ils virent au marron jaune en milieu alcalin.
L’astuce du cordon bleu : le vinaigre et le jus de citron sont les meilleurs alliés pour maintenir sa couleur en version crue.
La basse température et la vapeur pour des plats cuits.
Enfin les recettes !
Trois condiments épatants
GOMASIO
• 3 betteraves crues
• 20 g de graines de sésame
• 1 c. c. de fleur de sel
Brossez, râpez les betteraves. Étalez-les dans un plat. Direction le four à 80 °C. en chaleur ventilée pour leur déshydratation pendant… le temps qu’il faudra ! Entre 3 et 4 heures en les remuant régulièrement.
Lorsqu’elles sont bien sèches, pulvérisez-les sans pitié au mixeur pour obtenir une poudre.
Torréfiez à sec les graines de sésame. Ajoutez-les à la poudre avec la fleur de sel. Versez dans un bocal.
Et après ? Saupoudrez où bon vous semble comme un gomasio, mais en bien plus beau !
PESTO ROSSO
Pour un pot de 400 g
• 50 g de tiges et feuilles de betterave
• 50 g de noisettes décortiquées
• 50 g de parmesan râpé
• 10 cl d’huile d’olive
• Sel, poivre
• Quelques gouttes de jus de citron
Mixez grossièrement les tiges et les feuilles. Ajoutez le reste des ingrédients. Mixez rapidement sans aller jusqu’à une texture lisse.
Réservez au frais avec une couche d’huile d’olive pour éviter l’oxydation.
Et après ? Cet incontournable des pâtes sera aussi le roi de l’apéro avec des gressins, sur des blinis ou des crackers.
KIMCHI
Pour un pot de 400 g
• 500 g de betteraves crues râpées
• 5 g de gros sel gris
• 2 gousses d’ail hachées
• 4 cm de gingembre râpé
• 1 c. à c. de graines de coriandre
• 1 pointe de couteau de pâte de piment
Mélangez les ingrédients dans un bol. Puis à vous de malaxer, pétrir, presser pour faire sortir le jus des betteraves. Couvrez d’un linge. Patientez 30 minutes puis recommencez. Versez dans un bocal préalablement ébouillanté en tassant avec insistance pour éliminer toutes les poches d’air, jusqu’à 2 cm du bord. Couvrez du jus. Fermez hermétiquement. Laissez fermenter une semaine à température ambiante.
Et après ? Une cuillerée par-ci par-là, pour donner un petit kick d’acidité à vos salades, sandwich, avocat ou fromages. Réservez-le ensuite au frais.
Curry deep purple
Une recette simplette à faire en deux temps trois mouvements pour donner à un riz blanc de quoi rayonner en ultra-violet…
Pour 2 personnes
• 70 g de tiges et feuilles de betterave
• 1 oignon émincé
• 1 gousse d’ail hachée
• 3 cm de gingembre frais râpé
• 20 cl de lait de coco
• 1 citron vert
• Huile d’olive, sel, poivre, curry
Lavez, émincez les feuilles et tiges.
Dans une cocotte, faites rissoler dans un peu d’huile d’olive l’ail, l’oignon et le gingembre. Faites tomber quelques minutes les feuilles et les tiges. Versez le lait de coco. Assaisonnez à votre convenance avec le curry, sel et poivre. Laissez mijoter à feu doux une dizaine de minutes. En touche finale, le zeste et le jus du citron vert. À vos cuillères !
Makis
Parce qu’il n’y a pas que du riz dans le maki…
Pour deux rouleaux
• 2 feuilles d’algue nori
• 200 g de betterave crue râpée
• 50 g de fromage frais
• 1 orange de table
• 2 filets de truite fumée
• Quelques brins de coriandre ciselée
Mélangez la betterave crue, la coriandre et le fromage frais.
L’astuce : on y va carrément avec les doigts, en pressant pour éliminer un peu de jus qui risque de détremper le maki.
Coupez les filets de truite en lanières.
Prélevez les quartiers d’orange. Égouttez-les. Buvez le jus. C’est la récompense du cuisinier pour le travail à moitié fait.
Posez la première feuille de nori sur le plan de travail. Répartissez la moitié de la betterave dessus, puis les quartiers d’orange et les lanières de truite. Enroulez la feuille pour former le maki. Humidifiez la jointure pour qu’elle adhère bien. Emballez dans un film étirable, vrillez les extrémités et faites rouler pour obtenir un beau cylindre. Recommencez pour le second. Réservez une heure au frais avant de les découper en tranches.
L’astuce : un passage de 10 minutes au congélateur pour éviter leur affaissement sous la lame du couteau.
Dégustez en faisant trempette dans la sauce soja.
Blinis
Des petits nuages roses pour vous transporter à l’heure de l’apéro.
Pour une dizaine de blinis
• 200 g de betteraves cuites
• 10 cl de lait ribot ou fermenté
• 100 g de farine de riz
• 3 c. à s. huile d’olive
• 1 blanc d’œuf
• Sel, poivre
Mixez finement la betterave avec le lait ribot. Ajoutez la farine, l’huile. Salez, poivrez. Laissez reposer 4 heures à température ambiante.
Incorporez le blanc battu en neige.
Faites cuire dans une poêle à blinis huilée.
L’astuce pour garder la couleur : à feu très doux d’un seul côté, un couvercle dessus pour un effet vapeur.
La garniture pour surprendre ? Un peu de fromage frais, du pesto rosso, des lamelles de radis et une olive. Vous n’en ferez qu’une bouchée !
Auteure : Domitille Langot
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