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VDM (Vie de maraîcher), la logistique c’est pas automatique

Jouer le jeu des circuits courts quand on est producteur ce n’est pas que nourrir ses vaches ou faire pousser ses poireaux, c’est aussi savoir compter, peser, mettre en sachets, ranger, transporter. Tout un art de l’optimisation et de la vérification. Petites mains d’un jour pour la famille Rochefort, j’ai testé pour vous les préparatifs d’une distribution. Bienvenue dans les coulisses logistiques.

Yves, agriculteur mais aussi grand organisateur. La logistique, il l'améliore chaque semaine.
Yves, agriculteur mais aussi grand organisateur. La logistique, il l’améliore chaque semaine.

Rendez-vous est donné à 8h du matin dans les entrepôts de Chevilly, quelque part sur la ligne Paris-Orléans. Je découvre mon bureau pour la journée : un hangar pas vraiment cosy relevant plus du parking à bateaux que de la grange cistercienne. Qu’importe, ce qu’on lui demande c’est de stocker et conserver les légumes, d’accueillir chaque fin de semaine une petite équipe de joyeux conditionneurs. Enfin, d’offrir un terrain de jeu au Fenwick, ce fameux porte-palettes qui lève et charge les caisses comme un robot.

Mission conservation. Dans le hangar, de grandes étagères accueillent plein de produits de la maison. On y trouve les pâtes fabriquées avec le petit épeautre de la famille Rochefort, de grands sacs de farine moulue à la meule de pierre dans un coin. Plus loin, les paddocks jouent les piscines à balles version curcubitacées. « Ici se trouve toute notre récolte de potimarrons, explique Yves de Rochefort. L’objectif est de les conserver le plus longtemps possible. » Il faut donc que les courges cueillies juste au moment où leur queue commençait à sécher, ne perdent rien de leur panache. Pas fastoche. Yves vient de récupérer un énorme ventilo qu’il compte activer pour aérer les bêtes et éviter qu’un jour la moisissure ne les gagne. « On verra en février si mon invention est à breveter ». Ailleurs, les patates (qui verdissent à la lumière) attendent leur heure à l’abri sous une grande bâche noire. Plutôt proche pour certaines d’entre elles qui monteront le soir-même dans le camion.

 

Dans le hangar, les pommes arrivent le jeudi matin alors que carottes et poireaux sont déposés le jeudi soir. Quant aux salades, elles ne sont cueillies que le vendredi matin, pour garantir de l'ultra frais.
Dans le hangar, les pommes arrivent le jeudi matin alors que carottes et poireaux sont déposés le jeudi soir. Quant aux salades, elles ne sont cueillies que le vendredi matin, pour garantir de l’ultra frais.

Leçons mathématiques. Ségo et ses copines ont déjà commencé la pesée la veille. Sur fond de RFM qui tournera en boucle toute la journée, les trois filles attaquent à 9h20 les pommes Akane. « Comme elles sont petites, on ajoute 20% de plus. » Ce ne sera donc pas 1 kg mais 1,2 kg à mettre dans les sachets. Et comme le sac papier avec la bobine d’Yves pèse déjà 11g, ce sera minimum 1,211g. On ne compte pas l’encre qu’a utilisée Marjo pour écrire à la main « Pommes petit calibre, on vous offre 200 g ». Et le max ? Proche de 1,250 kg. Oui parce qu’il faut donner toujours un peu plus mais pas trop. Imaginez, si on ajoute 50 g à tous les paquets, vu qu’il y a 550 kilos de légumes à préparer, ça fait déjà 27,5 kilos de rab par rapport à ce qui a été commandé. Ici, Yves adore sortir la calculette pour peaufiner encore un peu plus la logistique qu’il expérimente depuis 24 mois. « On essaie de tout comptabiliser et de rationaliser pour limiter les erreurs, les pertes de temps et le gâchis. » Les données comptables en main, je prends ma place dans la chaîne à 9h40. D’un côté mes pommes, de l’autre ma balance. Adèle s’égosille dans le poste « I’ll find someone like you.» Franchement ça m’étonnerait, j’ai beau m’être levée à 5h du matin, je suis au taquet.

"Les filles, c'est quand même vachement mieux organisées," confie Yves. Ici, Ségo, Marjo et XX.
« Les filles, c’est quand même vachement mieux organisées, » confie Yves. Ici, Ségo, Clotilde et Albane.

10h10, les 60 kilos de pommes Akane terminés, on attaque les poires et là ça se corse. Autant avec des mini-fruits la variable d’ajustement est facile, il suffit d’en ajouter un pour arriver à la fourchette fatidique, autant avec les Comices biodynamiques, c’est un tout autre casse-tête. Vu que les mémères pèsent à l’unité entre 200 et 400 grammes, il faut choisir l’assortiment qui va bien. L’exercice nous fait perdre le rythme, on prend une poire qui fait basculer le sachet au-delà des 1,3 kg. On teste avec une plus petite. On ressort tout le monde du sachet et on recommence. La cadence chute, on passe de 40 secondes par sac pour les Akane à largement plus d’une minute pour les poires. En plus je commence à avoir franchement froid aux doigts. Allez, on se rattrapera avec les patates.

La veille, Ségo imprime les étiquettes, le bon nombre pour chaque variété, ça évite de se tromper.
La veille, Ségo imprime les étiquettes, le bon nombre pour chaque variété, ça évite de se tromper.

Mission zéro faute. Pour éviter les boulettes de conditionnement, Ségo a une technique infaillible : la veille, elle imprime le bon nombre d’étiquettes pour chaque sorte de fruits et légumes. Elle les colle ensuite sur les sacs pré-préparés pour chaque variété. Comme ça le jour-même, il n’y a plus qu’à remplir les sachets avec ce qui est écrit dessus. On les range ensuite dans les cagettes en inscrivant à la fin le nombre de paquets qu’elle contient. De 8 à 15, selon la capacité de chacun à ordonner. Pour Ségo encore jeune et fringante, l’exercice est facile. Quand on cumule tocs et Alzheimer précoce, il nous arrive de devoir recompter 3 fois le nombre de sachets que l’on a rangés dans la cagette, surtout si à ce moment-là, Patrick Bruel casse la voix dans le poste.

Top chrono. Qui veut se coller au conditionnement des tagliatelles au quinoa maison ? tente Ségo vers 11h15 pour nous divertir. Pas grand monde. « Faut pas en faire trop, ça prend la tête », confie Albane qui s’est déjà tapé une séance la veille. L’exercice demande une véritable minutie. Il faut ranger les pâtes par 5 dans un sachet transparent sans les abîmer, peser pour vérifier qu’on atteint bien les 250 grammes et thermosceller. « J’ai fait combien ?» demande Ségo à la fin de son carton. 16 minutes pour 12 paquets. « C’est trop, faut qu’on s’améliore. »

La mise en sachets des tagliatelles : l'exercice le plus minutieux et le plus chronophage. Heureusement Ségo veut plus tard être couturière. Les travaux de patience, elle connaît.
La mise en sachets des tagliatelles : l’exercice le plus minutieux et le plus chronophage. Heureusement Ségo veut plus tard être couturière. Les travaux de patience, elle connaît.

Tetris potager. Après les pâtes, les pommes, les poires, les carottes, les poireaux qui ne veulent pas tenir sur la balance, les potimarrons à la pièce, les pommes de terre tantôt bleues, tantôt Bintje, Charlotte, Chérie ou Monalisa, il faut rassembler tous les autres produits de la maison. « On propose près de 80 références différentes, explique Yves. Et demain on livre 5 ruches, il ne faut pas se planter.»

15h, Lionel, le chauffeur-livreur préféré du samedi vient d’arriver avec son camion. Pour la dernière étape, le rangement par ruche des commandes, on procède à l’appel. 80 kilos de carottes pour Paris 10, 8 paquets de farine complète pour Paris 13, 12 quinoas pour Paris 20. Les filles sans jamais de déconcentrer fabriquent leurs tas. Un pour chaque ruche, ce qui permet pas mal de commentaires. « Ils n’ont pris que 15 poireaux dans le 10e ? ». Chaque pyramide de courses étant constituée, il reste à charger tout ce beau monde dans le camion. Au fond, les ruches de l’aprèm, devant celles du matin par ordre de livraison chronologique. A la radio, Stromae nous accompagne « Formidable, fooor-mi-daaaable,… » Tu m’étonnes, à nous tous, on vient de clore 64 heures de préparation. 18h30, Lionel claque les portes de son engin. Demain à l’aube, c’est lui qui assure la tournée.

Lionel a terminé le chargement. Le samedi, c'est lui qui prend la route pour livrer les ruches parisiennes.
Lionel a terminé le chargement. Le samedi, c’est lui qui prend la route pour livrer les ruches parisiennes.

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2 commentaires

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  1. On est plus proche d’une entreprise que d’une production maraichère et fruitière de base, surtout quand on sait que « la famille Rochefort » distribue nombre de produits qui ne sont pas de sa production.. Peut-on encore parler de vente directe sans intermédiaire?

    1. En groupant la logistique, la famille Rochefort permet aussi à de tout petits producteurs de vendre leur production ce qui est intéressant aussi, non ?

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