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1ère ferme aquaponique de France

Produire victuaille et poiscaille

Le vrai géant vert, c’est lui. Pas celui qui fait pousser du maïs jaune fluo mis en conserve, à grand renfort d’OGM. Non, Grégory, son truc, c’est l’aquaponie, une technique qui permet de produire tout à la fois du poisson et des légumes.

Devant ses serres de 880 m2 auto-construites à Créon, petite bourgade girondine à 30 kilomètres de Bordeaux, Grégory Biton est fier de présenter ses ouvriers agricoles :  1400 truites arc-en-ciel responsables de la production de 300 kilos par semaine de mâche, fenouil, chou rave ou coriandre… Dans cette ferme du XXIe siècle, les déjections des poissons servent d’engrais pour les plantes qui purifient à leur tour l’eau pour les poissons. Une association de bienfaiteurs particulièrement productive. Bienvenue chez De l’eau à la bouche, première ferme aquaponique professionnelle de France.

©Olivier Cochard

Grégory, heureux comme un poisson dans l’eau raconte sa formidable reconversion professionnelle. Comme souvent, tout a commencé vers la quarantaine. À cette époque, parce qu’il n’est plus en phase avec ses idées, l’ingénieur en matériaux, tourne le dos au chantier naval sur lequel il travaillait. Direction la terre ferme, celle que l’on bêche et qui nourrit. Dans un premier temps, le solide gaillard breton cherche seulement à alimenter quotidiennement sa famille en produits frais. Passionné par la recherche de systèmes de vie durables, il consacre des milliers d’heures et d’euros à se documenter et à tout expérimenter depuis le fond de son jardin situé en lisière de forêt.

L’envie de se nourrir mieux et d’offrir un futur souhaitable est venu avec l’arrivée de notre premier enfant. Pour remplir son garde-manger de produits sains et ultra-frais, rien de tel que de les produire soi-même. Restait à trouver une solution compatible avec nos vies modernes, bien remplies elles-aussi.

©Olivier Cochard

Au cours de ses recherches sur le net, le féru de permaculture finit par tomber sur un site australien qui parle d’aquaponie. La révélation ! Grégory décide de construire une serre à l’échelle domestique, inspirée des maisons bioclimatiques, afin d’y installer son tout premier système aquaponique. Un stage aux États-Unis et un aller-retour à Mexico plus tard (pour découvrir les chinampas qui ont entre autres inspiré cette technique) et notre aquaponiculteur amateur lance avec avec Paola, son épouse d’origine mexicaine et une poignée de copains, la première micro-ferme aquaponique professionnelle de France.

©Olivier Cochard

La crème des engrais

La reconversion n’est pas un long fleuve tranquille. Dénicher un lopin de terre n’est pas une chose aisée. Les propriétaires fonciers de cette partie du bordelais essentiellement des viticulteurs rechignent à céder des hectares. Heureusement la SAFER soutient le projet. Montage des serres, installation d’un récupérateur d’eaux pluviales… la ferme se monte finalement en un temps record. Et à l’automne 2016, les premières plantations commencent dans de grands bacs de plus de 50 mètres de long alimentés par l’eau enrichie aux crottes de poissons. Au démarrage d’un système aquaponique, l’eau est presque claire. Il faut un certain temps pour que les choses se mettent en place et que les poissons mangent et défèquent en quantité suffisante, accumulant ainsi une banque de nutriments dans l’eau.

©Olivier Cochard

Ici, les plantes poussent de façon très volumineuse, à vue d’œil ! Pourquoi ? Parce qu’elles n’ont que très peu d’efforts à fournir pour puiser de l’eau, des nutriments… Incroyable, mais vrai, une plante qui a tout à portée de racines, passe toute son énergie à se développer.

©Olivier Cochard

[Petite piqûre de rappel pour ceux qui n’auraient pas eu le polycopié]

Dans une ferme aquaponique, les poissons sont élevés en bassins. Nourris par l’homme, ils défèquent dans l’eau. Cette eau est recyclée au moyen d’une pompe vers des bacs de culture. Les déjections sont alors dégradées par un système de bactéries. Il s’agit là d’une sorte de « compostage » humide ! Ainsi dégradées en engrais, les crottes dissoutes sont gentiment dirigées dans les bacs de culture hors sol. Les plantes, installées sur des radeaux n’ont plus qu’à tendre leurs racines pour profiter de leurs apports. En puisant ces fameux nutriments, elles purifient l’eau qui peut s’acheminer de nouveau vers les salmonidés. La boucle est bouclée.

©Olivier Cochard

N’allez pas croire pour autant que Grégory se tourne les pouces. « Si l’aquaponie exige peu de travail pour produire une grande quantité de nourriture, elle demande une attention régulière et beaucoup d’apprentissage ! La première récolte en volume étant bien entendu celle des végétaux. Pour vous donner un ordre d’idée, un sytème aquaponique en circuit réellement fermé produit environ 10 à 20 kilos de légumes pour un kilo de poisson ! Il est par ailleurs tout à fait possible de produire 15 kilos de truites dans un bac d’élevage de 1000 litres en une année avec une installation simple. Alors que nous n’en sommes qu’à nos débuts, nous produisons d’ores et déjà sur la micro-ferme quelques 300 kilos de fruits et légumes par semaine !

©Olivier Cochard

60 watts en continu

Énergivore, l’aquaponie ? Grégory, qui ne noie jamais le poisson, ne tarde pas de répondre à la question : Oui, car la mise en mouvement de l’eau nécessaire au bon fonctionnement du système consomme de l’énergie, néanmoins cette énergie doit être mise en regard des bénéfices attendus ! La possibilité de rapprocher la production du consommateur, limitant ainsi le transport, aura tôt fait de refaire basculer la balance énergétique du bon côté. À titre d’exemple, le système d’aquaponie domestique qui nourrit notre famille et profite aux amis consomme environ 60 watts en continu, ce qui est en dessous de la consommation des appareils en veille d’un foyer moyen. 

©Olivier Cochard

Et l’organoleptique dans tout cela ? Vous me demandez si les légumes ayant poussé dans l’eau et fertilisés aux excréments de poisson ont un goût de caca ? Évidemment loin de nous cette idée, nous sommes toutefois pendus aux lèvres de notre formateur… C’est une interrogation qui revient souvent dans la bouche de ceux qui, amusés, entendent parler d’aquaponie pour la première fois ! Les légumes du potager de vos grands-parents, traditionnellement fertilisés au fumier de cheval ou de vache, l’avaient-il ?

Je me suis, par ailleurs, prêté à une expérience amusante l’année passée. J’avais planté deux pieds de tomates cerises de la même variété : l’un dans mon potager, l’autre dans le système d’aquaponie en serre afin de faire goûter leurs fruits à tous les nouveaux visiteurs curieux de mes expériences. Résultat ? 100% des gens ont trouvé plus goûteux et plus sucrés les fruits cultivés en aquaponie ! Pour quelles raisons ? La serre ? Les carences de la terre ? Je n’ai pas la réponse, mais les résultats sont là !

©Olivier Cochard

Autre bonne nouvelle, rares sont les limaces, suffisamment acrobates pour escalader le système, et rares sont les oiseaux, assez téméraires pour s’aventurer dans la serre. Autrement dit, Grépory et ses compères profitent pleinement du fruit de leur non-labeur.

D’ailleurs, mieux que la fête des Voisins, chaque année au mois de juin, Grégory convie les copains pour une fête de la truite, dans le fond de son jardin ! Au programme : truites à la plancha accompagnées de dégustation de fleurs de capucines, choux-rave et salades croquantes à souhait… Dis Grégory, on peut s’inviter ?

Pour approfondir

Références

Ce livre va vous permettre de faire un tour complet sur l’aquaponie. Vous comprendrez pourquoi c’est malin, comment ça fonctionne en détail, et de quoi démarrer rapidement votre installation.

15 commentaires

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  1. Intéressant et ça m’a l’air plutôt productif, mais dans l’idée d’acheter des produits locaux et bio je m’intéresse également beaucoup aux conditions animales. Là à priori c’est plutôt proche du bon vieil élevage intensif, je m’excuse.
    Actuellement on parle beaucoup plus des conditions d’élevages des mammifères mais c’est un tort. C’est sur que c’est plus difficile d’observer les conditions d’élevage chez des poissons, et en plus ils ne crient pas alors…
    Les truites sont des animaux aimant les eaux vives et qui peuvent se déplacer sur plusieurs kilomètres, elles aiment avoir des abris pour se cacher… a priori un environnement très différent de ces bidons de 1000 litres (au passage quelle est leur densité ?)
    Dommage car l’idée de base est bonne mais sa mise en application reste réellement à désirer.
    N’y a t-il pas d’autres apports possibles de nutriments proches de chez vous ? Ou, au grand minium, développez un système de circuit en eau courante (style rivière artificielle), reconstituant au plus près leur condition de vie naturelle ?

  2. Je pense que cela peut être une solution alternative, pour les endroits où la terre est trop polluée en attendant sa régénération. La nature fait bien les choses si on ne l’a détruit pas, c’est une solution qui peut être appliquée pour des cas précis. Pour du hors-sol c’est sûrement le mieux, des personnes sérieuses essaient de bien maîtriser le sujet, alors bon courage. On doit pouvoir faire cohabiter le bien être des poissons avec l’utilisation de l’engrais qu’ils apportent.

  3. Interessant à condition de ne pas se poser la question du bien être animal….les poissons sont stockés dans de petits bassins, utilisés, puis tués. Heureux comme un poisson dans l’eau ? Je ne pense pas.

  4. Je trouve l’idée pas mal mais se pose une question éthique, sur la captivité des truites, combien de poissons enfermés toute leur vie dans un bac ?

  5. Bonjour, comme précisé pour le précédant commentaire, Gregory donne une alimentation biologique à ses truites acheté auprès d’un fournisseur, en attendant de l’auto-produire in situ. Pour ce qui est de l’expérience tropicale, je n’ai pas la réponse, cependant, il semble que ce système permettent de résoudre les problématiques vis à vis la terre (souvent, pauvre, argileuse)… Bien à vous

  6. Bonjour Catherine, Gregory fabriquait lui-même l’alimentation de ses truites tant qu’il s’agissait de sa consommation personnelle. Pour sa micro-ferme, il a pour le moment opté pour une alimentation bio acheté en plus grande quantité, néanmoins, à terme, il souhaitait l’auto-produire au sein de la ferme. En espérant avoir répondu à vos interrogations. Marie

  7. Intéressant mais même interrogation que Nicole , que donne notre Grégory à manger à ses truites?

  8. Bonjour, à quoi sont nourris les poissons ? Est-ce que parmi les visiteurs, certains ont tenté l’expérience en milieu tropical ? Merci pour vos commentaires constructifs et/ou vos réponses à mes saines interrogations …

  9. Je suis de l’avis de Nicole, le terroir est essentiel pour le goût . Si l’eau est  » filtrée » par les plantes, elle peut retourner chez les poissons, mais elle ne leur apporte aucune nourriture !…

  10. Heu ! N’est ce pas cette bonne vieille culture hors sol qui revient sous une autre forme ?
    J’ai peur qu’on confonde un peu trop souvent les nouvelles pratiques rentables et la vraie agriculture ou les legumes poussent dans la terre en prenant leur temps et non gorgés d’eau sur un substrat quelquonque. Et que mangent les poissons ?

    1. On peut sans doute imaginer que plusieurs méthodes de culture se côtoient… Quant aux poissons, ils sont nourris avec des aliments biologiques. Qui dit aquaponie, dit moins voire plus d’indésirables, de maladies… et in fine moins de produits phytosanitaires voire pas du tout comme c’est le cas chez Gregory. Sans compter un »arrosage » par les racines à l’eau de pluie…

    2. Je pense comme vous ! Les plantes ne voient ni la terre ni le soleil. C’est un peu dommage de devoir manger encore et toujours des produits de serre.

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