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Insectes dans l'assiette

Les petites bêtes qui montent, qui montent, qui montent

Un petit goût de noisette, un délicat croustillant, des protéines en veux-tu en voilà dans un produit écologique. Ça vous tente ? Le temps d’enlever ses ailes et le grillon est à vous. Alors que le 23 octobre célèbre la journée mondiale des insectes comestibles, on vous suggère l’entomophagie.

©Thomas Louapre

« Manger des insectes ? Beurk !!! » Si l’entomophagie nous semble se limiter aux plus aventuriers des globe-trotteurs le temps d’une brève expérience culinaire à l’autre bout du monde, elle concerne tout de même quelque 2,5 milliards d’individus sur la planète. Et bien que les Européens ne s’en souviennent guère, leurs ancêtres eux-mêmes n’ont pas hésité à plonger la main dans un bol de criquets, de hannetons ou de sauterelles – Grecs et Romains en consommaient régulièrement, de même que les Français, et pas qu’au Moyen Âge.

Aujourd’hui, l’insecte suscite surtout le dégoût et évoque (à tort !) le manque d’hygiène à la plupart des Occidentaux biberonnés à la bavette. Mais la crise alimentaire est venue bousculer les esprits traditionnels, par le biais notamment d’un rapport de la FAO en 2013. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture y préconise l’élevage et la consommation d’insectes à grande échelle pour pallier tout à la fois les problèmes environnementaux et la hausse d’une population (plus de 9 milliards d’individus d’ici 2050) qu’il va bien falloir nourrir.

1 kg d'insectes ne demande que 2 kg d’aliments contre 8 pour 1 kg de viande

Argument de poids : l’extraordinaire intérêt nutritif pour la population de ces petites bêtes grouillantes et rampantes.  « C’est surtout la très bonne qualité de leurs protéines qui en fait de parfaits compléments à la viande, précise Jean-Philippe Paillard, vice-président de la Fédération française des producteurs importateurs et distributeurs d’insectes (FFPIDI). Ils contiennent par ailleurs beaucoup moins de graisses saturées, sont plus riches en minéraux, assurent l’équilibre des acides aminés et représentent – selon la cuisson – une source importante d’oméga 3. »

Ajoutons à cela que l’élevage d’insectes consomme beaucoup moins d’eau que le bétail, génère bien moins de gaz à effet de serre et qu’une production d’1 kg ne demande que 2 kg d’aliments contre 8 pour 1 kg de viande. En bref, mangez des insectes et votre corps, à l’unisson avec la planète entière, vous dira merci.

©Thomas Louapre

Voir ou ne pas voir

Ce double enjeu qui n’a pas échappé aux entrepreneurs français, conscients de l’intérêt croissant de leurs concitoyens pour une alimentation moins polluante et meilleure pour leur santé. Et n’allez pas croire que la filière n’intéresse que les bobos en mal d’exotisme. Cédric Auriol, fondateur de la société Micronutris, sur le marché depuis 2011, se révèle même « très surpris de l’accueil du monde agricole », sensible à la démarche. Si pour l’heure, côté portefeuille, mieux vaut bénéficier d’un certain pouvoir d’achat pour incorporer le grillon au menu, « il arrivera un moment où le prix de la viande et celui des insectes vont se croiser », estime le jeune chef d’entreprise.

Mais quels insectes au juste ? Des cafards, des punaises, des scorpions ? Pas de panique, ils ne sont pas tous comestibles (2 000 sur le million d’espèces recensées) et les producteurs ménagent notre sensibilité en proposant les plus emblématiques – version cuite. D’ailleurs, ils sont fréquemment disponibles sous forme de farine ou mixés dans des biscuits. Si cela vous révulse malgré tout, sachez que nous mangeons déjà environ 500 grammes d’insectes par an à notre insu – ils se faufilent en fragments dans les préparations agroalimentaires, les confitures ou les jus…

 

©Thomas Louapre

Voir ou ne pas voir, telle est la question de ceux qui envisagent de franchir le pas. Laure, ouverte à une alimentation plus écolo, avait déjà goûté des grillons ramenés d’Amérique du Sud par un ami et s’est récemment essayée au ténébrion meunier. Le croquant est agréable, le goût discret, mais l’appréhension réelle. « C’était vraiment pour l’expérience. Comme c’est petit, on a l’impression que c’est encore vivant. J’ai psychologiquement eu besoin de le casser ! Mais je testerais bien sous forme de farine ou dans une soupe. Si on ne reconnaît pas l’insecte, ça ne me poserait pas de problème ». La confrontation est en effet un défi. « Chercher à oublier la bête est propre à l’agriculture française, explique Jean-Philippe Paillard. On aime bien ne pas voir ce qu’on mange, c’est une question de culture alimentaire. »

Officiellement, la commercialisation d’insectes est soumise au règlement sur la « novel food » et nécessite de demander une autorisation, comme pour un médicament.

La réglementation en question

Quelle que soit sa forme, la traçabilité reste en revanche essentielle. Si la filière existe déjà en Europe, la vente n’est pas encore autorisée par l’Union européenne. Comment alors expliquer que l’on puisse déjà s’en procurer ? Officiellement, la commercialisation d’insectes est soumise au règlement sur la « novel food » et nécessite de demander une autorisation, comme pour un médicament. Mais le flou subsiste dans l’interprétation des textes, qui n’évoquent que les parties d’animaux et non les insectes entiers. Une certaine tolérance est ainsi observée dans certains pays comme la Belgique, mais en France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) pointe le manque d’information en matière de risques sanitaires.

©Thomas Louapre

A Micronutris, Cédric Auriol avance la garantie de la certification ISO 22000 (norme internationale qui assure la sécurité des chaînes alimentaires) dont bénéficie son entreprise, dédiée exclusivement à la production d’insectes pour la consommation humaine. Prudent, Jean-Philippe Paillard – coordinateur Novel Food pour la FFPIDI, qui a déposé une demande d’autorisation pour trois espèces – estime de son côté « qu’il ne faut pas commercialiser d’insectes tant que ce n’est pas réglementé. Si un accident survient, on viendra le reprocher à l’ingrédient, pas au préparateur. L’image est déjà assez délicate à imposer, inutile de risquer un scandale en plus ».

Une nouvelle réglementation, applicable au 1er janvier 2018, viendra clarifier la situation : il y est cette fois question d’insectes entiers et le texte prévoit d’alléger la demande d’autorisation des « nouveaux aliments », ce qui devrait permettre leur commercialisation rapide.

©Thomas Louapre

En attendant, sachez que le principal risque réside dans d’éventuelles bactéries pathogènes et de possibles réactions allergiques, identiques à celles que peuvent provoquer les crustacés. Attention, donc, pour ceux qui ne supportent pas les huîtres.

Reste que l’idée de devenir entomophage se démocratise doucement sous nos cieux et, derrière les fourneaux, plusieurs chefs testent déjà de nouvelles recettes à base de criquets ou de vers à soie. Plus qu’une mode insolite, une tendance de fond qui risque bien de prendre de l’ampleur.

Découvrez l’élevage d’insectes de Micronutris dans un beau reportage juste .

5 commentaires

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  1. Je cherche depuis longtemps à manger des insectes, mais à Paris je n’ai trouvé que des bars qui les servent avec l’apéritif. Où puis-je trouver des lats à base d’insectes ou des farines pour faire par exemple des biscuits à condition d’avoir des recettes.
    Merci

  2. Je suis navré Alice mais je vais me permettre : Votre commentaire est crétin.
    Je vous invite à me dire en quoi c’est une insulte à la nourriture ?

    Parce que ce sont des ressources « hors du commun » ?
    La consommation d’escargots et de grenouilles en fait partie alors ?

    Libre à vous de ne pas aimer ça, mais tomber sur ce genre de commentaire désolant sur la page de la ruche me déçoit.
    Je croyais tomber sur une communauté plus intelligente.

    1. Navrant , cette remarque d’Alice.
      Je suis tout à fait d’accord avec vous Mathias.
      Si insulter la nourriture est le rejet des protéines des vertébrés alors je suis insultant.
      L’humanité se délecte depuis la nuit des temps avec de la carne d’animaux en souffrances, que l’on évite de nos jours à montrer par hypocrisie pour ne pas offusquer le consommateur. Pas une publicité pour une marque de burger nous montrera une chaine d’abattage! Non !
      Et que dire encore sur l’impact planétaire de l’élevage et le gaspillage des ressources pour produire du cholestérol fléau des pays développés .
      Alors , oui aux insectes source protéines pour tout le monde et adieu aux rôtis, gibelottes , grillades … nos chefs ne sont pas en peine d’innover.
      Cordialement.

  3. Délirant !
    Aprés le beurre de pomme à la graisse de coco ,les insectes….
    Cette lettre est une constante insulte à la nourriture

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