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« Nous sommes même allés jusqu’à faire un crédit pour nourrir nos cochons ! »

Engouffrés dans la spirale de l’élevage de plus en plus intensif, François et Elisabeth ont fait machine arrière. Aujourd’hui, ils gagnent mieux leur vie avec moins de bêtes commercialisées désormais en vente directe. Confidences.

 

Francois

François et Elisabeth Constans se connaissent depuis leur BTS agricole. Ils avaient choisi l’option “agriculture biologique” et cette voie leur paraissait être une évidence. Mais lorsqu’il a fallu se lancer et démarrer l’activité, les choses se sont compliquées. « Nous avons démarré en agriculture conventionnelle, pour des raisons qui ne sont pas simples à expliquer, raconte Elisabeth, nous sommes issus de familles d’agriculteurs, et quand on veut faire du bio, on nous regarde comme des extra-terrestres. Nous avons acheté des terres dans notre Tarn natal, et investi le bâtiment du père de François pour l’engraissement. Nous sommes petit à petit arrivés à héberger 250 truies en cases individuelles. Notre cheptel de cochons s’élevait alors à 2000 têtes. Cela parait beaucoup, mais il fallait bien ça pour vivre.

Nous avions investi pour mettre aux normes les bâtiments, agrandir, puis payer l’engraissement à l’extérieur, faute de place chez nous. Si au début nous vivions bien sur ce modèle, nous avons très vite déchanté. Nous souhaitions réellement produire du porc de qualité, malgré les contraintes industrielles. C’est ainsi que nous concevions notre activité. Pour cela, nous avons choisi de produire l’aliment, nos bêtes, ce que l’on appelle l’auto-renouvellement. Cela nécessitait de nouveaux investissements.

 

Cochons

 

Au fur et à mesure des années, le prix de l’aliment a augmenté (car les céréales ont pratiquement doublé). Dans le même temps, le prix d’achat des porcs dans le réseau industriel a baissé. Impossible, dans ces conditions, de rivaliser avec le cochon de Bretagne. Le nôtre était pourtant de bien meilleure qualité, mais les acheteurs le voulaient au même prix que les cochons de qualité médiocre. On se retrouvait donc au même niveau qu’un porc industriel avec une qualité non valorisée.

Nous avions alors décidé de rejoindre une AOC. Trois ans de démarches plus tard, les salaisonniers refusèrent pourtant d’acheter nos bêtes pour se tourner vers un IGP : ils trouvaient l’AOC trop cher, et trop local !

Nous avons tenté de rebondir avec un label “porc citoyen” que nous avons nous-même créé. Même constat ! Les supermarchés nous prenaient trois cochons quand ils en vendaient une centaine. L’affiche du producteur servait à vendre ce qui provenait d’ailleurs. L’échec était alors mesurable, nous travaillions avec une perte de 10€ par porc. Nous sommes même allés jusqu’à faire un crédit pour nourrir nos cochons.

 

Etre agriculteur, c'est aussi un revenu pouvoir nourrir une famille.
Etre agriculteur, c’est aussi un revenu pouvoir nourrir une famille.

 

Fin 2010, 16 ans d’activité et 4 enfants plus tard, nous constatons que nous sommes loin de l’objectif premier : vivre et travailler sur une ferme avec des animaux, en famille et en harmonie avec notre milieu. Nous décidons de tout revoir et après un dépôt de bilan volontaire, nous redémarrons sous mon nom en agriculture biologique dans le respect du bien-être animal avec l’envie de rester sur un élevage à notre taille (maximum une dizaine de truies et leurs petits) en vente directe en transformant avec nos recettes et l’envie de retrouver le goût des produits sains et naturels.

Quand on le dit comme ça, ça a l’air simple. Mais pas du tout. Nous avons vécu cinq années moralement et financièrement très difficiles, du redressement judiciaire jusqu’à la liquidation souhaitée. Aujourd’hui, nous repartons sur une exploitation biologique, et certains voisins ne nous parlent plus. La pression paysanne, nous la subissons, et nos familles, qui n’avaient pas fait ce choix là, aussi. On entend dire de nous “ils n’ont que trois cochons dans la porcherie. » Ce n’est pas ça, un agriculteur, aux yeux du voisinage… ça m’est égal !

Nous avons eu le courage de revenir en arrière et nous ne regrettons rien. Ce choix était le bon. On peut vivre de ce que l’on fait, et on fait de la qualité. On est bien avec nous mêmes !”

 

transfo7

 

François et Elisabeth ont aujourd’hui une dizaine de truies, ce qui fait une centaine de cochons élevés par an. Leur petit cheptel a de l’espace, de l’amour, du respect et une bonne alimentation. Le couple vend en moyenne un porc et demi par semaine : les deux-tiers dans les Ruches, le reste dans les AMAP et au marché. Dans l’idéal, il faudrait qu’ils arrivent à vendre trois cochons par semaine.

 

cochon 41

 

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Lire aussi :

  • « A la base, les producteurs devraient être libres de fixer eux-mêmes leurs prix » : le témoignage de Bernadette, éleveuse dans l’Ain sur le plateau du Bugey
  • « Ils court-circuitent la grande distribution » : ces expériences qui marchent en Alsace.
  • « Avec la vente directe, on a gagné la sécurité sur nos prix » : le parcours de Cathy, militante du local  en Ile-de-France pour faire face aux crises agricoles.

10 commentaires

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  1. Merci, et encore merci de vous investir dans ce travail. Votre histoire me donne les larmes aux yeux. J’espère que d’autres exploitants prendront exemple sur vous. Tenez bon!

  2. Merci d’avoir le courage et la certitude qu’il faut produire de manière saine pour que les consommateurs puissent continuer de déguster des produits de qualité.
    Continuez sur ce chemin ceux qui sont convaincus de leur projet finiront par l’emporter.
    Je n’achète plus de porc en gms mais directement au producteur ou en boucherie.
    Bravo et encore !!!

  3. Ce n’est pas un reproche mais pourquoi continuer à élever des bêtes alors que :
    – c’est plus chère que la culture de légumes
    – ça rejette des quantités astronomiques de co2
    – ça consomme également plus d’eau que les cultures
    – les viandes sont mauvaises pour la santé car trop de proteines conduisent à une acidification de l’organisme qui est source de beaucoup de « maladie » comme le cancer, même problème pour les produits laitiers, beaucoup trop de protéines par rapport au calcium = aussi ostéoporose.
    – ce n’est vraiment pas éthique d’élever des animaux pour les tuer et faire de l’argent, pourquoi un chat est un animal de compagnie et une vache un repas?

    1. Voila exactement une question que j’apprécie !!!! Pourquoi continuer d »élever des animaux pour les tuer, alors que d’autres soltutions et bien meilleures existent ????

    2. Vous serez difficile à convaincre mais j’aimerai vous répondre :
      1- En tant qu’éleveur de mouton bio, je conseil à toute ma clientèle de manger moins de viande mais de meilleur qualité. La ruche, les amap et tout les circuits courts sont des moyens. Si les éleveurs ont comme beaucoup une (toute petite) responsabilité dans la tragédie environnementale que nous vivons, les principaux responsables sont ceux qui raisonnent en tant qu’industriels de l’agriculture et non en tant que paysan. François et Elisabeth ont, semble-t-ils, choisi la seconde voie et c’est tant mieux.
      2- Dans la plus grande partie du pays, faite disparaître l’élevage et se seront des pans entiers du territoire qui se fermeront. Les territoires ruraux ont besoins d’éleveurs pour continuer à rendre attractifs et vivants des espaces qui aujourd’hui ont peine à le rester.

  4. il sont trop beaux vos cochons, bravo!
    arrêtez! agriculteurs tous avec ces substituts de banque (grande distribution ect…)
    oui c’est sûr comme vous faites c’est très dur, moi je vais à Anville et à la bistandille, (17)
    chercher mon lait mes oeufs mon cochon mes légumes OUA!!! j’adore le lait à le gout de lait les oeufs sont merveilleusement jaunes comme dans mon enfance, le cochon à un goût ah la la je ne vous dis que ça.
    merci à tous ces courageux

  5. Voilà de la véritable agriculture, bravo !
    Il vaut mieux moins de bêtes bien soignées que d’immenses troupeaux qui crèvent la faim et un agriculteur heureux de son travail bien fait qu’un agriculteur dépressif qui petit à petit perd pied sous les dettes et les difficultés et voit son exploitation périclitér.

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