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Struggle for life

N’en déplaise à mon ophtalmo, cette semaine je mange à l’œil…

Se nourrir pour pas un radis ? Louise a tenté l’expérience pendant une semaine complète à Paris. Pas radine, elle nous livre les fruits de son entreprise.

Faut que je vous le confesse, non seulement je suis à sec, mais en plus j’en ai marre de faire des courses et de me retrouver pour 40 euros avec une épingle à nourrice, deux pommes de terre, trois radis et un citron (oui, c’était pour déboucher ma douche). Alors je me suis dit : ma fille, tente l’expérience « gratuivore ». A moi les fins de marchés et les invendus, fini les files d’attente en caisse et le frigo trop rempli.

Les freegans se caractérisent par leur régime alimentaire déchétarien. Rien de plus sain, en effet, que de bouffer dans les poubelles : gratuité de la nourriture pour tous + réduction du gaspillage alimentaire + immunovolution. (freegan.fr)

Poubelle, ouvre-toi !

Vu que les Français balancent chaque année 79 kilos de nourriture dont 7 kg d’aliments même pas déballés, la première chose à faire pour trouver de la pitance gratis est sans aucun doute de fouiner dans les poubelles. Je ne suis pas snob, mais soyons honnête, c’est quand même un cap difficile à franchir. Après de longues hésitations, je me risque à zoner dans mon quartier quelques minutes après la fermeture des boulangeries à la recherche de poubelles pleines. Malheur à moi, elles demeurent introuvables. Mais où les boulangers cachent-ils leur pain rassis ? J’apprends que les boulangeries vendent presque tout leur stock et offrent les restes à leurs employés (générosité, quand tu nous tiens…). Les maraîchers de la rue me laissent piocher trois fraises dans une barquette avant que celle-ci ne finisse définitivement aux oubliettes. Le festin est encore loin. Pourtant selon le site Freegan.fr en moyenne 60% des restes qu’on peut trouver dans les poubelles des particuliers sont comestibles, pour le reste il faut aimer les aliments poilus (et pourquoi pas après tout ? ras le bol de ce diktat du poil !). Le site incite surtout à finir les plats dans les cantines ou les restaurants. C’est bizarre, moi qui adore me ronger les ongles, l’idée de finir le kebab d’un inconnu a de quoi me révulser. Je suis peut-être un peu snob tout compte fait.

Les mal-aimés des marchés

Jour numéro 2, c’est parti pour une solution moins radicale : la tournée des fins de marchés. Il est 13h30, sur le marché Edgar Quinet dans le 14e arrondissement parisien, les stands commencent à plier. Je tâte les premiers cageots sans grand succès avant qu’un vieux monsieur ne me conseille d’aller plus loin me servir dans une montagne de fruits et légumes abandonnés. C’est le paradis sur terre, les tomates sont molles mais encore rouges, les asperges un peu grises, parfois mousseuses, mais après cuisson rien n’y paraît, deux beaux artichauts finissent dans mes bras en plus d’une salade et d’un bouquet de persil. Le panier de mon vélo est rempli, je tombe genoux à terre en implorant les cieux « Pourquoi je ne fais pas ça depuis 28 ans ? ». Bien sûr je ne suis pas seule, le glanage est un art. Le tout c’est de partager avec les quelques intéressés, on se refile les légumes pas trop dégoulinants tout en soulevant les vieux cartons à la recherche d’un nouveau trésor. Je réitère le lendemain au marché bio de Raspail, résultat : vert de poireaux à gogo, deux pommes de terre, une aubergine, du céleri et des carottes. J’en ai pour deux jours de soupe, youpi.

Il faudra que le houblon me passe sur le corps

Pour ceux qui ont envie de se suicider à la vue d’un régime soupe, il existe d’autres solutions. Mais si l’on veut manger sans lâcher un kopek, Il faut accepter de boire un p’tit verre avec. Cette paire d’alexandrins qui ferait frémir de jalousie Jean Racine résume l’insupportable dilemme. En effet, quelques restaurants parisiens proposent un couscous (Les Trois Frères à la goutte d’or, Le Grenier rue Oberkampf, en revanche La Cordonnerie rue Saint-Denis a arrêté il y a six mois, ouin ouin), une assiette de frites ou des moules à l’œil en échange d’une conso (Le Tribal Café, cour des Petites Écuries, sert une tournée express de moules à 20h mais il faut être au taquet). Ces soirées dégustation ont lieu le plus souvent les jeudis, vendredis et samedis. Alors c’est sûr, il vaut mieux aimer la bière. Du reste, c’est l’alcool le plus nourrissant car il contient des glucides, des minéraux et des vitamines (à moindre mesure, n’allez pas remplacer le jus d’orange matinal par une Leffe). Toujours est-il que l’investissement est infime pour une panse bien remplie (entre 3 et 5 € la pinte, de quoi faire pâlir), et par ces premiers jours de printemps, c’est sans trop me forcer que je teste la pinte-moules-frites sous les derniers rayons de soleil #YOLO. Coup de cœur pour Le Grenier et son couscous à volonté qui éponge avec amour les litrons de bière ingurgités. Pour les connaisseurs, le Freegan Pony est un incontournable et vous concocte des petits plats mijotés à partir des invendus de Rungis pour le montant de votre choix.

Pissenlit and love

Je survis depuis maintenant plusieurs jours sur mes réserves de fins de marchés et mes repas glanés dans les bars à bières. Pour le moment, mon teint est toujours frais, mon haleine est celle d’une jouvencelle et je n’ai pas encore perdu de cheveux. Mais l’envie de pousser l’audace au-delà des barrières me titille la glotte, allons donc flairer du côté des plantes. Je m’inscris donc pour une première cueillette sauvage (François Couplan est un peu le grand Manitou en la matière, consultez son programme) afin d’en savoir plus sur ces trucs bizarres verts qui poussent dans un truc bizarre marron (nous autres parisiens n’avons jamais vu que du béton, rendez-vous compte).

L’association Kiwi Nature nous embarque au parc des Beaumonts à Montreuil avec en chef de file Davy Cosson (naturaliste mais pas naturiste pour autant). On apprend qu’une cinquantaine de plantes sont tout à fait comestibles. Pâquerette, pissenlit, cardamine hérissée, achillée millefeuille, benoîte urbaine, stellaire, lamier pourpre ou ortie sont des valeurs sûres (en plus d’avoir des noms enchanteurs). Crus ou cuits, ils peuvent se déguster en grande quantité. Le tout est de savoir éviter les zones potentiellement arrosées à l’urine de caniche (sauf si vous aimez l’urine de caniche, dans ce cas je vous conseille d’agrémenter votre repas d’une pointe de basilic). Afin de respecter la règle éthique de base, on ne pioche jamais plus de 30% de la zone fleurie, ce qui permet déjà de faire un bon gratin de pétales. Attention, toutefois, à ne pas picorer n’importe quoi. Selon Davy, il y a une pelletée de plantes toxiques qui peuplent nos parcs et nos forêts et qui ont la mauvaise idée de ressembler à s’y méprendre à des plantes comestibles comme la carotte ou le panais.

Si vous avez le moindre doute, évitez. Si c’est trop tard, mangez du charbon ou de l’argile, suez une bonne heure et faites votre testament parce qu’à moins d’avoir les urgences sous le coude, vous êtes mal barrés. Et pendant ce temps-là, moi, je me coltine une salade de pâquerettes et de pissenlits avec un filet d’huile d’olive, des graines de sésame et une pincée de gros sel devant mon copain désespéré de me voir devenir un écureuil tout en finissant son bœuf bourguignon, sale type qu’il est.

Une semaine s’est écoulée. Résultat des courses : justement les courses, on peut les limiter. Outre la possibilité de fouiller dans ses placards à l’affut des dernières conserves de thon, on peut aussi se faire inviter à l’apéro chez des amis (mais cela implique d’avoir des amis, si tel n’est pas le cas, n’hésitez pas à lire Comment se faire des amis ? de Dale Carnegie). Si vous n’avez ni placard, ni ami, les fins de marché ont de quoi vous offrir un régime légèrement spartiate mais diablement sain. Par ailleurs, si vous êtes d’humeur à sociabiliser en toute hypocrisie, plusieurs sites de pique-assiettes livrent l’agenda des vernissages en Île-de-France : le Syndicat du Hype a laissé place à l’agenda de Germain Pire, le mieux du mieux en la matière. Vous pourrez très certainement manger un bout de petit four en simulant l’extase devant un monochrome de Whiteman. Alors qu’en fait c’est juste un mur blanc.

4 commentaires

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  1. Excellent article, écrit avec élégance et humour, j’adore et désormais je regarde les pâquerettes de ma pelouse d’un autre œil …!!!

  2. J’aime beaucoup l’article et j’adore ce genre de petits défis que je tente régulièrement. Bon, ok j’habite à la campagne avec un jardin, mais le jardin n’est pas abondant toute l’année. Il n’empêche qu’avec trois herbes, deux légumes de fond de frigo, et des ingrédients ultra basiques comme riz, pâtes ou patates, farine, crème, huile : on se fait des festins qui nous surprennent nous-mêmes, blasés que nous sommes d’habitude, à trop se demander « mais qu’est qu’on mange ce soir ?!… ».
    Et j’adore le livre de Carnegie 😀

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