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États généraux de l'alimentation

« Les circuits courts sont une première étape pour redémarrer un système alimentaire devenu fou »

Voilà quelques semaines qu’ont débuté les États généraux de l’alimentation. La Ruche qui dit Oui ! qui, depuis 6 ans, apporte une réponse concrète à ces enjeux de Manger mieux, Manger juste résume dans ce manifeste son point de vue sur la question.

Les circuits courts ont le vent en poupe. Tant mieux. Les distances se raccourcissent entre producteurs et consommateurs. Mais prenons garde ! Il ne faudrait surtout pas que cette révolution n’accouche que d’un énième gadget marketing. L’enjeu, c’est bien de reconstituer une chaîne de valeur où les intermédiaires sont véritablement utiles et ne prélèvent pas une part excessive de la valeur produite collectivement. Il faut repartir d’une feuille blanche. Les circuits courts ne sont pas une solution magique. Ils sont une première étape pour redémarrer un système alimentaire devenu fou.

Commençons par les bonnes nouvelles. Lentement mais sûrement, les pratiques alimentaires des Français évoluent dans le bon sens : aujourd’hui, 6 % à 7 % des achats alimentaires se font en circuit court, et 7 Français sur 10 consomment régulièrement des produits bio. Du côté des exploitations, selon le dernier recensement agricole de 2010, elles sont 21 % à écouler une partie de leur production en circuit court et il est probable qu’elles soient largement plus nombreuses aujourd’hui.

©Thomas Louapre

Répartir justement la valeur

Ces chiffres sont encourageants mais ne doivent pas pour autant occulter une réalité plus contrastée : les grandes surfaces généralistes concentrent encore 65,5 % des ventes de produits alimentaires (en valeur). Et pour une majorité de nos concitoyens, c’est encore et toujours le prix qui s’impose comme critère numéro un en matière d’alimentation. Les circuits courts, sous toutes leurs formes, ont encore du chemin à parcourir pour faire accepter la notion du juste prix, celui qui rémunère convenablement les producteurs.

Pour y parvenir, seule la transparence peut faire changer les esprits. Dans un modèle de consommation durable, la part allouée à chacun des protagonistes du système alimentaire devrait être connue et la valeur justement répartie. Si le consommateur connaissait les sur-marges pratiquées par les supermarchés sur les fruits et légumes biologiques (si un panier de fruits et légumes bio est plus cher de 79 % que son équivalent conventionnel, la moitié de ce surcoût est due aux marges prélevées par les distributeurs !), s’il savait que sur 100 euros de produits vendus, seuls 6,20 € reviennent aux producteurs, il se tournerait probablement vers des propositions plus équitables comme celle de la Ruche qui dit Oui !

Des liens doivent être développés entre les différents acteurs pour mutualiser les flux de transport, optimiser la logique du dernier kilomètre en centre-ville.

Optimiser la logistique

Pour la plupart des adeptes du circuit court, aliment local rime bien souvent avec meilleur bilan environnemental. Mais est-ce toujours bien vrai ? Certainement sur la partie production, beaucoup moins en ce qui concerne la distribution. Une chaîne logistique mal optimisée – avec des camionnettes qui ne sont pas remplies à 100 % et qui repartent souvent à vide, distances parcourues par le consommateur, etc. –  signifie souvent surplus d’émissions de gaz à effet de serre rapportées au kilomètre parcouru et à la tonne transportée…

Aussi, pour que les circuits courts aient un impact environnemental positif, cet aspect doit être pris très au sérieux. Des liens doivent être développés entre les différents acteurs (boutiques biologiques, services de livraison à domicile…) pour mutualiser les flux de transport, optimiser la logique du dernier kilomètre en centre-ville. C’est dans cet esprit que la Ruche qui dit Oui ! envisage d’interconnecter les interfaces des différents services pour dessiner un nouveau système de distribution en circuit court.

©Thomas Louapre

Lever le voile de l’ignorance

La dernière bataille sera livrée sur le terrain culturel : trop souvent, les circuits courts sont caricaturés comme “un truc de bobo” (on disait la même chose des produits bio il n’y a pas si longtemps…). Sous-entendu : l’agro-industrie, au contraire, se soucierait de l’alimentation des plus modestes. C’est une supercherie pure et simple : à qualité égale, les produits achetés en circuits courts sont moins chers que ceux que l’on trouve dans les rayons des hypermarchés. Aux consommateurs de ne plus être dupes : si cette barquette de côtelettes de porc, si cette tomate insipide, si cette pomme farineuse sont aussi peu chères, eh bien c’est peut-être tout simplement qu’elles ne valent effectivement pas grand-chose. Et qu’en prime, le producteur qui les a fait pousser fait peut-être partie de ceux qui ont gagné moins de 354 euros par mois en 2016 (le tiers !).

Dans les années soixante, 35 % du budget d’un foyer étaient consacrés à l’alimentation. Aujourd’hui, le ratio est tombé à 20 %.

Dans les années 60, 35 % du budget d’un foyer étaient consacrés à l’alimentation. Aujourd’hui, le ratio est tombé à 20 %. Selon les économistes, il est de bon ton de s’en féliciter, cela signifie que le niveau de vie général augmente. Mais si ce « progrès » s’accomplit au prix d’une alimentation dégradée, d’un régime fait de produits transformés et/ou sucrés, d’une explosion des maladies liées à la malbouffe, il est peut-être temps de changer de perspective.

©Thomas Louapre

C’est pourquoi il faut en finir avec le cloisonnement des mondes, entre ceux qui produisent et ceux qui mangent. Nous devons recréer un espace de dialogue entre producteurs et consommateurs, entre villes et campagnes, et ne plus tolérer qu’on nous cache ce qu’il y a véritablement dans nos assiettes. Reprendre la main sur son alimentation, c’est aussi réapprendre la saisonnalité de produits, reprendre le temps de cuisiner – le temps consacré à la préparation du repas a diminué de 25 % entre 1986 et 2010, alors que la consommation de plats tout préparés ne cessait de croître – et redécouvrir les recettes qui correspondent à chaque moment de l’année. Et pour ça, rien de tel que d’en discuter de vive voix avec un producteur lors d’une distribution de la Ruche qui dit Oui ! ou de s’informer sur le magazine de notre réseau (magazine.laruchequidioui.fr).

Depuis 6 ans, la Ruche qui dit Oui !, à son échelle, œuvre à la refonte du système alimentaire. En facilitant la tâche des agriculteurs qui souhaitent commercialiser leurs produits en vente directe, elle n’est qu’un tout petit maillon de cette chaîne à réinventer. Les circuits courts sont le début d’une révolution : à nous tous de reprendre le pouvoir. Il est dans notre assiette.

©Thomas Louapre

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Les 6 grands principes de la Ruche qui dit Oui !

 

Les producteurs fixent leurs prix

Pas d’alimentation de qualité sans un revenu décent pour ceux qui la produisent. Un quart des agriculteurs vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Pour en finir avec cette situation indigne, à la Ruche qui dit Oui !, ce sont les producteurs qui fixent librement leurs prix en fonction de leur coût de revient.

L’intelligence collective garantit la qualité des produits

Définir des normes, apposer des labels, c’est bien, mais ça ne suffit pas à garantir une alimentation de qualité. À la Ruche qui dit Oui !, la transparence à tous les étages et le dialogue permanent entre consommateurs, producteurs et responsables de Ruche nous assurent que seuls les meilleurs produits transitent au sein du réseau.

La logistique doit être réinventée pour faire rimer proximité et durabilité

Les circuits courts doivent participer à la refonte complète du système alimentaire : il ne s’agit pas d’exhiber des paysans sur des emballages en plastique pour donner l’illusion de la proximité, mais de rompre avec l’agriculture industrielle et la distribution de masse. La proximité ne fait pas tout, c’est pourquoi nous nous efforçons de repenser les circuits logistiques pour démocratiser la vente directe.

La valeur doit être (enfin) justement répartie entre les différents acteurs

Le système alimentaire tel qu’il existe aujourd’hui ne répartit pas justement la valeur. Les intermédiaires en captent la majeure partie au mépris de la dignité des producteurs et de la santé des consommateurs. C’est cet état de fait qui doit être remis en cause. Pour autant, on ne pourra se passer absolument d’intermédiaires. Beaucoup d’entre eux sont utiles, transformation, logistique, commercialisation… C’est sur ces deux derniers aspects que la Ruche qui dit Oui ! concentre aujourd’hui ses efforts. Il y a cependant une condition sine qua non à respecter : les services intermédiaires doivent être transparents quant aux marges qu’ils pratiquent et prélever une part de la valeur proportionnée au service qu’ils apportent au lieu de vampiriser l’ensemble de la chaîne.

Bien manger, ça s’apprend

L’alimentation est l’affaire de tous. Les consommateurs doivent cesser d’en être pour réapprendre à manger : comprendre les contraintes liées au métier d’agriculteur, réapprendre la saisonnalité des produits et les façons de les cuisiner… La Ruche qui dit Oui !, c’est aussi un magazine qui distille une information accessible pour que chacun soit en mesure de faire ses choix en son âme et conscience.

La transition agricole doit être accompagnée

Notre alimentation ne peut se faire ni aux dépens des sols et écosystèmes, ni aux dépens des agriculteurs. Nos méthodes d’agricultures doivent impérativement changer, il faut en finir avec les pesticides et engrais chimiques, et le modèle agro-industriel en général. La Ruche qui dit Oui ! est aux côtés des agriculteurs – de tous les agriculteurs – engagés dans cette nécessaire transition.

7 commentaires

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  1. Si nous voulons manger des aliments de qualité et faire vivre les producteurs de manière décente, les circuits courts sont une évidence. Je fais partie d’une Ruche depuis deux ans et la qualité est au rendez-vous. Cependant en regardant un reportage sur un collectif de producteurs qui s’est établi dans l’Est au sein d’un ancien supermarché, j’ai été surprise de certains prix fixés par les producteurs eux-mêmes, entre autre ceux du meunier-boulanger : un pain d’épeautre à 2.95 € n’est, je pense, pas forcément accessible à une famille de 4 ou 5 personnes… Vous me direz qu’une telle famille n’a qu’à revoir sa façon de consommer mais cette remise en question d’un mode de vie n’est lui non plus pas forcément accessible à tous. Pour ma part le choix est fait mais restons indulgents envers ceux qui ne peuvent le faire aussi aisément.

  2. Je suis toute a fait d’accord pour les circuits courts mais quid de la livraison a domicile???
    je ne peux rien porter aussi Carrefour me porte …..c’est dommage….mais c’est ainsi

    Essayez de résoudre le problème……..
    Cordialement

    1. Je ne sais pas où vous habitez, mais beaucoup de circuits courts sont basés sur la collaboration et le bénévolat… donc même si ce n’est pas un service « formalisé », je suis sûre que vous pourrez trouver quelqu’un, consommateur comme vous ou animateur ou producteur, pour vous rendre ce service…
      Et je crois même que dans certaines ruches c’est tout à fait organisé…
      Renseignez-vous !

  3. Voilà un article qui me fait vraiment plaisir. Et d’après une étude de l’INSEE que j’avais trouvé il y a un an, c’est 12% le budget alimentaire des français. Peu importe. La guerre du prix, c’est une guerre contre nous même. A force d’acheter moins cher, nous nous tuons à petit feu, nos producteurs avec et en premier. Il faut maintenant attaquer ces slogans de la vie moins cher et du soit disant pouvoir d’achat. Merci pour cet article.

  4. Bonjour,

    J’adhère pleinement aux principes énoncés, le problème est le système de distribution qui propose des quantités trop importantes pour des personnes seules qui ont des besoins alimentaires plus limités.

    Catherine GALS

    1. Vous etes sure de ne pas confondre avec les AMAP ??
      Ici, aucune quantité imposée, je peux si je le souhaite acheter juste une laitue ou une boite d’oeufs, s’il ne me faut rien de plus. C’est d’ailleurs cette différence qui m’a fait passer le pas des circuits courts 🙂

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