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La magie de la permaculture

Le jardin extraordinaire de Joseph Chauffrey

Dans son petit potager urbain près de Rouen, ce trentenaire fait la démonstration d’une possible autonomie alimentaire grâce à la permaculture.

À première vue, le petit jardin de Joseph Chauffrey ne paie pas de mine. Un terrain de 150 m2 parmi tant d’autres dans cette rue pavillonnaire de Sotteville-lès-Rouen en Haute-Normandie. Depuis la rue, la grille s’ouvre sur un chemin entouré de verdure conduisant à une petite maison blanche. Mais à y regarder de plus près, ce petit bout de terre est sans doute un peu plus luxuriant que ses voisins, plus bigarré aussi, et séduisant du coup. On y découvre une mare, un potager de 25 m2, une serre, des arbres fruitiers palissés et les oiseaux y volettent plus volontiers, attirés par cette biodiversité grandissante.

Joseph Chauffrey au milieu de ses pommes de terre. © Frédéric Poussin

Parcelle test

Car dans ce petit coin de paradis, une petite révolution est en marche. Tout y est réfléchi, calculé, noté pour mener à bien un changement de société profond et durable : l’autonomie alimentaire. Les résultats sont plus que satisfaisants. L’an passé, ce sont 300 kilos de fruits et légumes qui ont pu être cueillis, cuisinés et dégustés par Joseph et sa compagne. Le rêve de l’autosuffisance à portée de grelinette, cette fourche-bêche fétiche des permaculteurs…

En soi, ce jardin n’a rien d’extraordinaire, des gens qui font ce que je fais, il y en a plein, souligne d’emblée Joseph Chauffrey, 34 ans, assis sur sa terrasse ensoleillée. Ce qui distingue ce lieu, c’est la rigueur. J’ai rapidement compris qu’il fallait des chiffres pour valider le postulat de départ d’un jardin suffisant pour nous nourrir, ma compagne et moi. Je note donc absolument tout ce que j’y fais depuis quatre ans : les dates de semis et de récolte, les traitements, le poids des fruits et des légumes. Cela permet d’avancer des résultats fiables.

Le jardin de Joseph Chauffrey vu depuis la terrasse. Derrière la mare, un coin pelouse pour la détente. © Frédéric Poussin

Et de gagner du temps. Car Joseph est un jardinier pressé. Formateur pour la métropole de Rouen, il ne consacre à son jardin que quelques heures par semaine. Pour obtenir un tel rendement, il commence ses semis dès le mois de février sous néon, chevauche les cultures et cultive hors-sol. Chaque espace du jardin est rentabilisé : framboisiers grimpants et arbres fruitiers en espalier se partagent le mur tandis que les kiwis grimpent sur la pergola et les courges sur le toit de l’établi.

Il y a une urgence climatique et environnementale à changer notre manière de produire.

Au sol, les associations de cultures du potager donnent l’illusion d’une belle pagaille quand il s’agit d’un travail quasiment scientifique. Tout cela n’a qu’un but, poursuit Joseph Chauffrey, faire la démonstration d’une possible autonomie alimentaire grâce à l’agriculture urbaine. Il y a une urgence climatique et environnementale à changer notre manière de produire. Et pas seulement dans son jardin.

L'établi de Joseph. Dans l'assiette rouge, un nid d'oisillons morts après l'attaque d'un chat. © Frédéric Poussin

Semer les graines de la permaculture

C’est à l’échelle d’un quartier que Joseph entend agir. Aussi, il offre régulièrement des plants à ses voisins, pour « leur transmettre le plaisir de jardiner », organise des visites de son jardin et refuse de mettre des haies pour laisser les curieux regarder sa parcelle. Quitte à se laisser un peu envahir par les badauds de plus en plus nombreux à s’arrêter à sa grille… Pour répondre aux innombrables questions reçues via les réseaux sociaux et les mails, Joseph Chauffrey vient de publier un livre pratique très bien fait, rempli de photos et de bons conseils (Mon petit jardin en permaculture, éditions Terre vivante).

Lui-même est un autodidacte. Certes, il est titulaire d’un master de gestion de déchets ménagers et anime, pour la métropole de Rouen, un réseau d’éducation à l’environnement, mais c’est grâce à ses lectures et aux stages à la ferme du Bec Helloin qu’il s’est formé à la permaculture. Il s’agit simplement d’un outil pour créer des environnements résilients et durables, explique Joseph. La démarche de la permaculture ne s’applique pas qu’au jardin, c’est une philosophie de vie qui va beaucoup plus loin que ça. Elle nous pousse à avoir une petite maison, chauffée au bois et à ne pas avoir de voiture. 

Au potager, Joseph teste cette année les associations de pommes de terre et de choux. © Frédéric Poussin

Basée sur l’observation, la permaculture suppose de prendre son temps. Propriétaire de son jardin depuis sept ans, Joseph a ainsi mis des années avant de donner à chacun sa juste place. D’abord en observant : la courbe du soleil à chaque saison, les interactions entre faune et flore, les nuisibles. Ce moment d’observation est très important pour gagner du temps ensuite, détaille le jeune jardinier. Combien de gens écrasent des œufs de coccinelles en croyant que ce sont ceux de piérides ? Se renseigner permet aussi d’économiser sur les produits de traitement. Comme tout permaculteur, lui-même met un point d’honneur à éviter tout usage de ces produits, à peine un peu de savon noir « très ponctuellement » et des purins fabriqués à partir des plantes du jardin (orties, consoudes, bardanes et prêles).

La permaculture permet de placer les éléments à leur juste place pour que l'écosystème fonctionne le mieux possible.

Passé le temps d’observation, chaque nouvel arrivant dans le jardin est soigneusement choisi pour ses fonctions. Nous avons retiré la haie de thuyas qui n’avait que deux utilités, brise-vue et brise-vent, précise Joseph. La haie vive ajoute à ces deux fonctions celles d’attirer les oiseaux avec ses baies et d’augmenter la biodiversité. La permaculture permet de disposer les éléments à leur juste place pour que l’écosystème fonctionne le mieux possible.

Les semis commencent sous néon dès le mois de février, ils sont sortis sur la terrasse dès les beaux jours. © Frédéric Poussin

Plus verte la ville

Le potager s’est installé dans le coin le plus ensoleillé, en face de la belle serre en verre. La mare a attendue trois ans avant de trouver sa place, en face de la fenêtre du salon d’où on peut l’admirer et à côté du récupérateur d’eau de pluie qui permet de la recharger en cas de grosses chaleurs. Elle apporte une biodiversité indispensable au jardin, tout comme les hôtels à insectes, les nichoirs à oiseaux et ce paillage qui habille le potager hiver comme été. Résultat : la qualité de la terre s’améliore et la production s’en ressent.

Nous n’en sommes qu’au début, assure Joseph. Nous ne produisons aujourd’hui que 30 kilos de fruits par an (raisins, figues, pommes, framboises, etc.) Les arbres fruitiers mettent plusieurs saisons avant d’atteindre leur pleine production. C’est un travail sur des années, mais à l’échelle d’une vie de jardinier ce n’est pas énorme. Et ensuite ? Des idées à développer, Joseph en a à la pelle. Son prochain défi, améliorer la culture hors-sol grâce aux bottes de paille, une technique qui pourrait aider au développement des cultures sur balcons, terrasses et toits. Avec toujours cette même idée en tête : changer la ville en la végétalisant.

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