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Déjouer la ruralité

Gérard Benoit à la Guillaume, artiste-paysan pas bidon

Sublimer un morceau de tôle rouillé, un bidon de lait ou un outil agricole, c’est tout le talent du photographe Gérard Benoit à la Guillaume, qui, en mettant en scène des séries d’objets symbolisant la ruralité, valorise ce patrimoine tout en le détournant de son sens.

© Gérard Benoit à la Guillaume

En Franche-Comté, lorsque l’on sillonne le pays au hasard des routes de campagne ou de montagne, les vaches montbéliardes, si caractéristiques avec leur robe rouge sur fond blanc, font partie intégrante du paysage. Au détour d’un lacet, on entend parfois tinter leurs cloches tandis qu’elles pâturent dans des prairies vallonnées. 

Mais ici, les vaches ont aussi leur droit d’entrée au musée. Au musée de l’Abbaye de Saint-Claude, dans le Haut-Jura, elles exposent leur pelage, posent avec complicité devant l’objectif du photographe (lire plus bas). 

© Gérard Benoit à la Guillaume

La montagne, ça vous gagne

Issue du métissage de races autochtones et suisses, la montbéliarde est une excellente laitière pour la fabrication de fromage – on ne refait pas la réputation du comté – et pour sa viande. C’est peut-être pour honorer cette générosité que Gérard Benoit à la Guillaume lui rend hommage, lui qui la côtoie depuis ses jeunes années. Ce territoire est mon ancrage, assure-t-il. Mes grands-parents et mes parents y ont vécu. Je cultive le Jura en tant que photographe car je le connais bien. Lui-même s’est installé dans le village de Septmoncel et restaure un chalet d’alpage. En été, j’y vis et je garde une cinquantaine de génisses en pâture. Le photographe-paysan veut contribuer à faire vivre le patrimoine naturel et culturel pour éviter la sanctuarisation des paysages et la paupérisation d’une montagne qui serait entièrement vidée de ses activités agricoles.

© Léo Benoit à la Guillaume

Insularité paysanne

Gérard Benoit à la Guillaume… ça ne s’invente pas, un nom pareil. Mais contrairement à ce qu’on pourrait penser, c’est loin d’être un nom à particule. Dans le Haut-Jura, la vie d’avant était comparable à une réelle insularité, raconte-t-il. Les habitants vivaient toute l’année repliés sur leur commune, isolés par la neige en hiver et occupés par les travaux des champs en été. Cela a créé des problèmes de consanguinité et d’homonymie. C’est pourquoi les patronymes étaient rattachés au prénom du père ou de la mère. Ensuite, ceux qui en avaient les moyens faisaient changer leur nom en remplaçant «  à la  » par un simple tiret. En conservant ce nom à rallonge, lui revendique son propre patrimoine social.

© Gérard Benoit à la Guillaume

Des bouses piquées de fleurs sauvages 

Petit, GBALG, comme il se surnomme, se souvient de ramener le troupeau du pâturage et de considérer avec intérêt les bouses formant des tas variés sur le sol qu’il s’amusait à piquer de pâquerettes ou de gentianes bleues... Plus tard, en s’intéressant à l’anthropomorphisme, le photographe voit Le Cri de Munch dans une pince agricole. Les bidons de lait, eux, deviennent des personnages qu’il aligne les uns derrière les autres pour surligner la crête d’une montagne ou d’une dune. Rangés sagement les uns derrière les autres en traversant des paysages naturels ou urbains au fil des saisons, ou regroupés en foule bruyante et chaotique lors de manifestation à caractère social ou politique, les bidons endossent des rôles et traduisent, à l’instar de l’engagement de l’homme, des sentiments, écrit Valérie Pugin, directrice du musée de l’Abbaye qui accueille actuellement l’exposition de l’artiste.  

Il y a dans la personnalité de l'artiste la fantaisie, la dérision des artistes issus du Nouveau réalisme, et un soupçon de démesure héritée du Land art. 

Humour, partage et dérision

Avec Bidons sans frontières, une installation déclinée dans le monde entier, le bidon devient le symbole de la ruralité exportée à travers le globe. L’idée est de valoriser les paysages tout en impliquant la population autour d’une installation. À Saint-Claude, où le photographe est en résidence, une classe de jeunes migrants a participé au projet. Lors des installations, on a agrégé des personnes qui n’étaient pas forcément ouvertes à l’expression artistique mais trouvaient le concept rigolo, fait-il remarquer. D’ailleurs, ce sens de l’humour se retrouve dans le travail du photographe, comme le résume si bien Valérie Pugin. Il y a dans cette personnalité entière, rugueuse, un peu du photographe paysan Raymond Depardon, mais aussi la fantaisie, la dérision des artistes issus du Nouveau réalisme, et un soupçon de démesure héritée du Land art. 

© Gérard Benoit à la Guillaume

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Rendez-vous au musée de l’Abbaye de Saint-Claude 

Jusqu’au 16 septembre, les photographies de Gérard Benoit à la Guillaume sont exposées au musée de l’Abbaye de Saint-Claude. En parallèle, le musée accueille actuellement le photographe en résidence. À cette occasion, plusieurs installations de Bidons sans frontières ont lieu avec les habitants de divers quartiers de Saint-Claude. Les photographies produites sont accrochées au musée.

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