fbpx

Entourloupes

Exhausteurs de goût : Imposteurs de saveurs

Ce sont les faire-valoir de l’agro-alimentaire. Les enfumeurs de faux fumets. Les aiguiseurs d’appétit. Les exhausteurs de goût envahissent nos assiettes et dupent notre organisme. Bienvenue dans le monde des embobineurs de saveurs.

Le vrai pot au feu de ma mamie.
Le vrai pot au feu de ma mamie.

Éplucher les oignons, y planter un clou de girofle, préparer un bouquet garni avec thym, laurier et persil pour donner du goût à leur pot-au-feu, nos grand-mères savaient prendre le temps de combiner les bons aromates. Grâce à leurs mélanges, le bœuf prenait toute sa saveur, les légumes étaient sublimés, les effluves titillaient l’appétit de toute la maisonnée. Aujourd’hui, le micro-ondes a remplacé les heures de cuisson, les plats préparés éclipsent un pan de la gastronomie française et les exhausteurs de goût balaient plantes aromatiques, épices et condiments à coup de bouillons tout préparés.

« Découvrez le bouillon KUB® Pot-au-feu, une recette traditionnelle alliant le bon goût de bœuf à celui des carottes et poireaux, peut-on lire sur le site Maggi. Ce petit cube apportera une note cuisinée à tous vos plats en un seul geste. » De prime abord, la proposition semble alléchante. Mais par quelle magie un petit cube peut-il remplacer des heures de préparation ? En misant sur les exhausteurs de goût. Il suffit d’ouvrir l’emballage doré pour découvrir d’abord du sel, ensuite des glutamates, inosinate et guanylate disodiques pour mettre en relief seulement 1,5% de légumes (oignon, carotte) et 2,6% de jus de cuisson de viande de bœuf. Economique non ? Certes mais totalement dénué d’intérêt nutritionnel.

En effet, par définition et selon la Directive européenne 95/2/CE sur les additifs alimentaires « Un exhausteur de goût est une substance qui, sans avoir une saveur propre prononcée, ne modifie pas le goût mais augmente l’intensité de la perception olfacto-gustative (goût et/ou odeur) d’une denrée alimentaire ». En d’autres termes, un exhausteur de goût n’est rien qu’un faire-valoir des autres aliments entrant dans la composition d’un produit. Une manière de donner à un ingrédient le maximum de sa force, de l’embellir, d’exhaler son parfum.

On le trouve souvent acoquiné à des arômes synthétiques pour sublimer encore un peu plus leurs goûts artificiels à moindres frais. Certains exhausteurs prennent des formes naturelles, d’autres sont obtenus par voie synthétique, certains sont inoffensifs, d’autres sujets à polémique. Dans l’industrie agroalimentaire et sur les emballages de nos produits, on les trouve sous une forme littéraire en toutes lettres ou sous une forme numérique avec des codes s’échelonnant d’E620 à E650.

Vous reprendrez bien un peu de saveur pot au feu ?
Vous reprendrez bien un peu de saveur boeuf bourguignon ?

Si l’on devait établir une typologie des exhausteurs de goût, on pourrait les regrouper selon sept grandes familles.

1- les glutamates : E620 à 625. Ces additifs artificiels parfois obtenus par génie génétique, s’invitent souvent dans les viandes, les soupes, les plats préparés, les conserves à base de viande, la charcuterie sous vide, les assaisonnements en poudre (cubes, sauces lyophilisées). Ce sont les exhausteurs les plus fréquemment rencontrés et les plus fortement décriés.

2- les acides guanyliques (E626 à E629), également synthétiques mais produits à partir de végétaux. On les débusque dans les potages, sauces, poudres d’aromates, souvent pour remplacer le sel.

3- les acides inosiniques (E630 à E633). Naturels, on peut les extraire des viandes ou des poissons séchés. Ils se trouvent partout et plus particulièrement dans le riz, les céréales, les gâteaux apéritifs…

4- Les ribonucléotides (E634 et E635), également d’origine naturelle mais synthétisés par des enzymes à partir des levures. Ils sont présents dans les assaisonnements, les condiments, mais jouent également le rôle de renforceurs d’arômes dans les pseudos produits de la mer.

5- La glycine et son sel de sodium, obtenue par voie synthétique. On retrouve son nom de code E640 dans certaines préparations sucrées pour valoriser le pouvoir des édulcorants. C’est aujourd’hui le seul exhausteur de goût autorisé en France sans limite de dosage.

6- L’acétate de zinc qui provoque un effet astringent et que l’on ne trouve sous la forme E650 que dans les chewing-gums.

7 – Enfin, les maltols (E636 et E637) qui sentent le caramel et donnent l’impression que le produit sort tout juste du four.

Les exhausteurs de goût excitent aussi notre appétit. On voudrait nous faire manger plus ?
Les exhausteurs de goût excitent aussi notre appétit. On voudrait nous faire manger plus ?

Déguisement culinaire

Pas de doute, les exhausteurs de goût sont particulièrement pratiques quand il s’agit de masquer la faiblesse gustative des produits de l’agroalimentaire. Pour autant, ils ne sont pas forcément bons à avaler. Si les autorités officielles de la santé les présentent sans danger, les nutritionnistes, les médecins et les consommateurs ne sont pas toujours du même avis. Le glutamate monosodique (connu également sous le nom de glutamate de sodium, de GMS ou de E621) est sans doute le plus décrié.

Pour les détracteurs de la poudre blanche, le GMS apporte son lot de désagréments : nausées, vomissements, maux de tête… « Aucune étude n’a, à ce jour, établi un lien formel entre ces symptômes et les additifs de cette famille, écrit Laurence Wittner dans son Dico-guide des étiquettes alimentaires. Mais les doutes sur leur innocuité restent forts, d’autant qu’ils sont également impliqués dans des phénomènes de réactions allergiques et suspectés de favoriser les crises d’asthme. »

Les acides guanyliques, E626 à E629, considérés comme inoffensifs à petites doses, sont quant à eux accusés de stimuler l’appétit. Tout comme les E630 à E635. « De l’avis des experts, explique Laurence Wittner dans son autre livre Savez-vous vraiment ce que vous mangez ?, les exhausteurs d’appétit agiraient sur les neurones, empêchant le bon fonctionnement des mécanismes inhibiteurs de l’appétit. En clair, plus on en mange, plus ils donnent faim et plus on a envie d’en manger encore. Dans le contexte d’une épidémie d’obésité dont on craint qu’elle ne touche fortement les pays industrialisés, cet aspect n’est pas tout à fait anodin. »

Bref, au mieux, les exhausteurs servent de cache-misère aux produits industriels, au pire, ils nous empoisonnent à petit feu. Devant ces incertitudes, le plus raisonnable est de les boycotter. Plutôt que de traquer les étiquettes, il existe des solutions faciles et imparables : se passer des produits industriels et des plats préparés, se remettre aux fourneaux et manger bio. Car en alimentation biologique, tous les exhausteurs de goût sont proscrits.

* * *

À lire pour faire le vide dans vos placards

Guide des additifs alimentaires : les précautions à prendre, Maria Denil et Paul Lannoye, éditions Frison-Roche

Additifs alimentaires, ce que cachent les étiquettes, Hélène Barbier du Vimont, éditions Trédaniel

Les additifs alimentaires, un mal nécessaire ? Docteur Jean-Claude Houdret, éditions Médicis

les liens : ANSES, santé (il faudrait dire : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), https://www.anses.fr/fr/content/le-point-sur-les-additifs-alimentaires

 

15 commentaires

Close

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  1. j’ai « bénéficié » d’une colectomie totale, le chirurgien m’a donné la liste de ce que je devais éviter du point de vue alimentation, Mais au final, ….je me suis aperçu que tout ce qui est naturel « passe bien », tout ce qui est industriel passe mal…..y compris au restaurant . il n’y a aucune raison que cela soit sans conséquences, même si elles sont moins évidentes, chez les personnes normales qui absorbent ces produits chimiques…..

  2. Je vous rejoins sur une chose : il est important de savoir ce que l’on mange, et de comprendre de quoi on parle. En ce sens, la liste exhaustive des additifs est claire et bien faite.

    Je vous rejoins sur une autre chose: je préfère comme nos grands mères prendre le temps de cuisiner, de laisser mijoter, mais pas pour une question de danger, simplement parce que la variété des produits que je vais utiliser donne un gout plus riche, plus complexe, plus « authentique ».

    Mais les mots font parfois peur, et ça c’est dangereux. Et à la lecture de votre article, on a envie de dire « haro sur le glutamate ! ». Pourtant, comme le rappelle la page wikipedia sur l’acide glutamique, une des raisons pour laquelle l’acide glutamique est si important dans l’industrie alimentaire, c’est parce que le glutamate est omniprésent dans la nature. Ainsi si la cuisine italienne est si savoureuse, c’est parce que les tomates sont un des légumes les plus riches en glutamate, avec les champignons ; le blé contient du gluten, et le gluten c’est 30% d’acide glutamique ; et le parmesan !!! On risquerait le syndrome chinois en allant prendre une Royale à la pizzeria !!! Et que dire de ma Grand Mère, cette dangereuse chimiste, qui mettait au fond de sa casserole quelques oignons, des tomates, un peu de vinaigre, ou faisait cuire à feu doux quelques morceaux de viande dans du vin…. des protéines, de l’acide…. une lente dégradation des protéines libérait plein de peptides, d’acides aminés, dont le fameux acide glutamique, et puis elle laissait réduire, brunir (réactions de Maillard), se concentrer un bouillon (de glutamate) au délicieux fumet. 100% fait par ma grand mère, mais riche en acide glutamique (moi je le sais, mais pas elle !)

    Je caricature et exagère (à peine), mais ce que je veux dire ici, c’est qu’il est important de comprendre ce que l’on mange, et de ne pas avoir d’idées préconçues. Ma grand mère « ne travaillait pas » (ou plutôt travaillait beaucoup, mais en home office, enfin on appelait ça femme au foyer à l’époque), moi, je ne peux pas forcément prendre ce temps tous les jours. Donc j’utilise des produits industriels (le moins souvent possible, car j’aime le plaisir de faire moi-même, certainement pas par peur car je connais les normes sanitaires industrielles) et il faut comprendre que ces produits industriels sont faits pour que des consommateurs comme moi, et comme d’autres, puissent acheter des aliments faciles à mettre en oeuvre, qui pour autant ont du goût.

    Après, tout est question d’éducation, et je dois dire que je trouve un peu facile de blamer l’industrie, quand dans le meme temps on se jette sur leur produit. L’oeuf ou la poule : est ce l’industrie qui fournit ce que le consommateur demande, ou le consommateur qui est aveuglé par l’industrie qui le rend dépendant ?

    J’ai appris à mes enfants à cuisiner (transmission du geste, du goût, du savoir faire, comme disait Soph dans son commentaire), à ne pas avoir peur de l’industrie alimentaire, à savoir discerner le vrai du faux (dans les messages publicitaires des industriels, aussi bien que dans les vitupérations des ultras-anti-tout). J’espère que ma grand mère serait fière de moi 😉

  3. Comment avez-vous pu oublier LA référence, LE guide sur les additifs alimentaires, à savoir l’ouvrage de Corinne Gouget : « Additifs alimentaires, le guide indispensable pour ne plus vous empoisonner » (Editions Chariot d’Or). Il recense tous les additifs, des + inoffensifs aux + dangereux.

  4. A noter qu’il existe cependant des cubes bouillon de qualité et certifiés biologiques. Il est d’ailleurs noté sur la composition qu’ils ne contiennent aucun exhausteur de goût, ni arôme artificiel, ni même souvent de mauvaises graisses… Bien sûr il y a du sel, ce qui pourrait être évité sachant que tout le monde a aujourd’hui du sel à la maison pour saler à son goût.
    Quand on n’a pas toujours le temps de préparer son fond de légumes ou viande…(Je fais mes propres fonds, à l’ancienne, et je sais le temps que cela peut prendre)

  5. Et moi, j’aime, de temps en temps, faire un bon bouillon avec les légumes racines et autres + un jarret de porc ou une poule que l’on trouve à la Ruche. C’est du travail, mais un bol de bouillon et un repas + le bouillon très très très réduit dans un bac à glaçons et la viande nettoyée et les légumes au congélateur par portions de deux.
    Et un autre jour, repas en quelques minutes ; ça compense;

    Pierre

    1. Malgré ce que j’ai dit ci-dessus, je ne peux qu’acquiescer ! J’ai toujours du bouillon maison congelé, pour enrichir une préparation future (ou me consoler si j’ai la grippe !).

  6. Bonjour,
    « nos grand-mères savaient prendre le temps », mais voilà les futures grand-mères, dont je suis, sont des femmes = êtres humains, qui aiment aussi lire, sortir… ce qui nécessite une certaine aisance économique, pas des 100.000 euros comme Bernard Arnaud, mais vers 2000 euros, le SMIC à 1700 euros par exemple…
    Or la valeur des préparations maison est d’usage, sans aucune valeur économique, sauf si étant très riche (Bernard Arnaud par ex), je paie et donc je donne une valeur économique à ce temps de préparation.
    D’où le salaire à vie, idée mise en forme par « réseau salariat », où une communauté (grande, nationale même !) s’offre la valeur économique du temps passé à cuisiner de bonnes choses, et à être bienveillant pour les voisins…. et plein de choses d’usage qui peuvent enfin vivre sans être portées uniquement par les femmes, si généreuses, si « douées pour ça », et payées en colliers de nouille, salaires inférieurs de 20%, retraites inférieures de 40%.

    J’espère avoir excité votre curiosité, et que nous nous retrouverons bientôt quelque part sur la base de l’alliance du vert et du rouge 😉

    1. pas d’accord !!!
      Pourquoi uniquement les Mamies (ou celles en devenir 😉 ) ??
      Et que dire des mamans qui travaillent (sans parler du reste…), qui tiennent à faire de bons petits plats car elles ont la passion de transmettre le goût des bonnes choses ? Qui prennent même le temps de cuisiner après une dure journée de travail ? On en parle ?

      L’objectif de cet article est de nous ouvrir les yeux sur l’alimentation industrielle. Les « bons petits plats maison » sont pour moi synonyme des « vraies » bonnes choses en cuisine et sont liés à la transmission en matière de cuisine : transmission du goût, mais aussi des gestes à exécuter, le savoir-faire… Est-ce que ça, ça a un prix ? Mais d’ailleurs, comment cela peut-il avoir un prix ?

      Heureusement que non, c’est choses là ne s’achètent pas. L’homme le plus riche du monde ne pourra pas se payer les merveilleux bons petits plats de ma grand-mère, et je conserverai seule (avec ma famille) le souvenir du goût et la mémoire de ses gestes.

      Vous parlez de reconnaissance ? Mais c’est tellement rare par les temps qui courent !
      Cette reconnaissance, elle est inestimable, et à mon tour, que j’aimerai qu’un jour certains de mes plats deviennent en quelque sorte une madeleine de Proust pour mes enfants et petits-enfants.
      Ce n’est pas cela le plus beau des prix ? 🙂

      Après qu’on revalorise le salaire des femmes et des retraitées, entièrement d’accord ! Mais pour moi, c’est un combat qui n’est pas en rapport avec cet article.

    2. Pour répondre à Gwen :
      Tout à fait d’accord sauf que…
      Cuisiner n’est pas qu’une affaire de temps, il suffit de regarder les caddies des personnes âgées, donc retraitées, qui sont pleins de produits tout préparés, salades, flocons de pommes de terre et autres cochonneries…
      Je cuisine et je cuisine d’autant plus que je ne consomme ni gluten, ni laitage, j’ai toujours cuisiné (c’est pas bon le tout fait !) mes enfants cuisinent aussi, même s’ils sont actifs et en manque chronique de temps, mes petits enfants sont ravis d’aider à éplucher les fèves ou les choux de Bruxelles. Et je suppose qu’ils sauront reconnaître les « bonnes choses » !
      Tout est affaire d’éducation et non de temps.

  7. Concernant le glutamate, il faut tout de même rappeler que c’est une substance également naturellement présente dans les viandes, les tomates, le parmesan… le jamon iberico !

    Et rappeler également que les nausées, vomissements etc. qu’il est censé produire (identifié à l’origine comme le « syndrome du restaurant chinois ») n’ont jamais été prouvé. Si on fait un peu d’histoire on verra que le GMS avait été cité dans un article scientifique comme une « hypothèse » possible sur le fameux « syndrome du restaurant chinois »… les médias s’en sont emparés comme ils savent si bien le faire, et BIM !… Tout le monde est allergique au GMS et a des maux de tête quand il mange chinois… sauf qu’entre temps on a prouvé qu’il n’y avait aucun lien, l’auteur même de l’article en question a écrit n’avoir finalement pu déceler aucune corrélation entre le GMS et les symptômes décrits… bref, tout ceci n’existe pas, mais le mal est fait, les allergiques sont convaincus (comme dans beaucoup d’allergies et d’intolérances, c’est l’auto-conviction qui est la plus dangereuse), les médias aussi, tout le monde pointe du doigt le vilain Satan de agro-industrie…

    Je ne dis pas, bien sûr, qu’il faut manger les yeux fermés tout ce qu’on nous sert en bouillon cube du supermarché, et je ne dis pas non plus que je ne préfère pas manger un bon pot au feu de mémé qu’une barquette Fleury Michon… mais essayons de nous tenir informés, et de comprendre réellement de quoi il s’agit. Un « additif » n’est pas « forcément » une mauvaise chose, le sel est un additif, le caramel est un additif, et le GMS n’est rien d’autre qu’une « variété » de sel (glutamate de mono-sodium contre chlorure de sodium). Bien sûr à très haute dose il est toxique, mais le sel aussi… et l’eau aussi…

    1. et les « restaurants chinois » attaqués se sont mués en « restaurants japonais »…

  8. Bravo pour votre article sur les exhausteurs du goût. Il est assez complet et j’ai appris beaucoup de chose.
    Merci

  9. Merci pour cet article, un bon résumé : mais pourquoi mettre le lien vers Amazon quand vous citez les livres? C’est pas très circuit court ni sympa pour les libraires indépendants, que l’on aimerait garder, comme nos petits paysans 🙂

Recevoir le magazine

1 newsletter par quinzaine.
No pubs, Pas de partage de donnée personnelle

Oui ?

Recevoir le magazine

1 newsletter par quinzaine.
No pubs, Pas de partage de donnée personnelle