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Consommation alternative

En France, le formidable essor des supermarchés coopératifs

C’est une première depuis presque dix ans. En 2016, les Français ont pour la première fois acheté moins de produits alimentaires de grande consommation. Dans le même temps, les supermarchés coopératifs essaiment un peu partout en France. Tour de France de ces nouveaux temples de la consommation alternative.

Vous avez raté en novembre dernier Le film documentaire Food Coop qui scrute la vie de Park Slope Food Coop, le supermarché coopératif de Brooklyn ? Celui qui a lui-même inspiré la création du supermarché collaboratif désireux de rendre les bonnes choses accessible à tous, La Louve, à Paris ? Pas de panique, on vous offre une session de rattrapage…

La Louve… et ses petits

En trois ans, la dynamique portée par La Louve à Paris a réussi à réunir 3000 adhérents. Du petit local que l’association a pu investir pour monter le projet aux 1500 mètres carrés qu’elle finit actuellement d’aménager au 116 rue des poissonniers, dans le 18ème arrondissement parisien, le chemin parcouru a de quoi inspirer. « Nous avons surtout été soucieux de conserver les mêmes règles que le supermarché coopératif Park Slope Food Coop de Brooklyn » confie Tom Boothe, le réalisateur du film également instigateur de La Louve, pour qui les 43 ans d’existence de ce modèle américain sont un héritage précieux (voir la bande annonce du film ci-dessous).

 

Les sept semaines d’immersion et de tournage permettent de sentir à quel point les membres (16 000 à ce jour) nourrissent une relation particulière au lieu, à ce qu’il leur offre, à ce qu’ils leur doivent : « nous avons réussi jusqu’à maintenant à La Louve à établir une ambiance de travail similaire, qui évite la culture de l’échec. Il n’y a pas les personnes diplômées donneuses d’ordre d’un côté et les personnes moins diplômées à la manoeuvre de l’autre. Tout le monde est logé à la même enseigne, et les risques pris par le modèle de coopérative de consommateurs que nous avons choisi est tel que cette culture est essentielle au bon fonctionnement du projet« , insiste-t-il pour revenir sur ce besoin de respecter l’expérience de ceux qui ont réussi à mettre sur pieds ce projet encore unique Outre Atlantique.

La qualité de la nourriture est importante pour les Français et la grande distribution y est fortement critiquée.

Car s’il existe d’autres coopératives alimentaires aux USA comme ailleurs dans le monde, La Louve est la seconde seulement à suivre le modèle de Park Slope Food Coop. « La plupart des supermarchés coopératifs ne font que partager le capital entre multiples copropriétaires, les bénéfices sont réinvestis dans la coopérative mais les prix sont normaux et les copropriétaires ne travaillent pas bénévolement… Au final, ceux qui ont le moins d’argent finissent par travailler pour ceux qui ont de l’argent et souvent l’ambiance est celle d’un simple supermarché« , juge Tom Boothe, pour qui la France est le pays idéal pour répliquer le modèle de Park Slope : suite au lancement de la dynamique à Paris, une quinzaine de projets similaires se sont lancés dans l’Hexagone et en Belgique. « La qualité de la nourriture est importante pour les Français et la grande distribution y est fortement critiquée, contrairement aux Etats-Unis où Park Slope, par exemple, est vu comme un ‘supermarché socialiste’« , explique encore Tom Boothe pour justifier l’enthousiasme généré par le projet – sans oublier le fait que certains réseaux institutionnels, comme France Active, permettent d’accompagner les démarches de financement auprès des banques…

Plus de 200 adhérents qui ont participé à la première Assemblée Générale de l'Association l'Elefan, le supermarché collaboratif de Grenoble.

Un enthousiasme bien français

Ainsi donc se sont lancées la SuperCoop à Bordeaux, la Cagette à Montpellier, Otsokop à Bayonne, La Chouette Coop à Toulouse, Scopéli à Nantes et d’autres initiatives dont on parle encore à Lille ou Biarritz ! Partout, des centaines de consommateurs se regroupent pour donner vie à cette dynamique. « En France nous sommes en quête de sens sur tous les plans, la recherche d’une transparence totale sur les produits que nous consommons et qui nourrissent nos enfants, la volonté de devenir acteur de sa consommation, l’envie de s’ouvrir aux autres, de créer une société plus humaine, plus solidaire… une prise de conscience en même temps qu’un élan d’humanisme pour se relever de la crise et changer la donne de l’équilibre social dans notre pays ! » estime Anne Monloubou, à l’origine de la Supercoop, à Bordeaux.

Pendant l’été 2014, cette mère de famille découvre le concept à Brooklyn, et c’est le déclic. Confrontée à la question du bien manger, elle se pose des questions sur la consommation et l’origine des aliments : « je fais face à une vraie difficulté de manger sainement à des prix acceptables, avec une vraie traçabilité des produits » confie celle qui décide alors de partir quelques semaines à New York pour s’imprégner, observer, comprendre et apprendre, à Brooklyn, au coeur de ce supermarché pas comme les autres.

A son retour en janvier 2015 la dynamique est lancée: « nous montons la coopérative au sein de la métropole bordelaise, nous sommes passés de 150 adhérents en septembre 2015 à 600 en mai 2016 et disposons depuis Novembre 2015 d’un local à Bègles pour l’association des Amis de Supercoop en attendant de trouver un local pour le Supermarché coopératif et participatif. »

Les membres partagent l’envie de voir naître une nouvelle génération d’entreprises, coopératives, ou de créer un lien nouveau entre producteurs et consommateurs.

Céline Laporte, à Toulouse, suit aussi le projet parisien depuis ses débuts. Membre active des réseaux locaux investis dans le champs de l’économie collaborative, elle lance l’idée de supermarché coopératif toulousain La Chouette Coop fin 2014: « nous étions 4 au début, puis la réunion suivante 20, puis 80. Aujourd’hui nous sommes plus de 500 adhérent-e-s de l’association qui existe depuis mars 2015 » raconte-t-elle en expliquant que leur groupement d’achat propose une fois par mois des produits aux adhérent-e-s avant de proposer dès 2017 un accès aux produits tous les vendredi et samedi. « Avoir trouvé un petit local nous permet de grandir, mais tout va s’accélérer quand on aura trouvé un grand local (environ 1000 m²) pour abriter le supermarché.»

 

 

A Montpellier, La Cagette a été lancée en juillet 2015 et là aussi le nombre d’adhérents s’est accru rapidement (425 aujourd’hui dont 20 très actifs) : « les membres partagent l’envie de voir naître une nouvelle génération d’entreprises, coopératives, ou de créer un lien nouveau entre producteurs et consommateurs. La dynamique sera étendue à l’ensemble de l’agglomération, avec des produits des environs, biologiques, équitables… » témoigne Léa Cavalin, membre active qui ne sait encore s’il s’agira d’un grand supermarché ou de plusieurs moyennes surfaces essaimées. Là aussi un groupement d’achat, actif depuis un an au 11 rue ballard (voir la vidéo ci-dessus), permet aux adhérents de tester les produits et le fonctionnement du projet.

Des aventures humaines

Car comme le montre le film Food Coop, une organisation précise est requise pour le bon fonctionnement de la coopérative. Chacun doit donner de son temps (3 heures par mois), le travail est divisé par groupes, avec des représentants de groupe qui se réunissent une fois par mois pour tenir au courant les autres groupes des avancées… « C’est le moment de prendre certaines décisions qui n’auraient pas trouvé consensus au sein d’un groupe donné. En dernier recours, si un sujet n’est pas consenti par l’ensemble, il sera débattu en AG. Elles ont lieu une fois par trimestre » explique encore Léa Cavalin en précisant qu’une réunion d’information est organisée chaque premier mercredi du mois. « Trouver un bon mode de fonctionnement humain était primordial pour lancer le projet de manière pérenne« , confirme aussi Anne Monloubou. Pour Céline Laporte, la dynamique est portée « par l’enthousiasme, l’engouement et l’envie d’agir et de participer concrètement à un projet qui touche un geste que nous reproduisons au moins trois fois par jour… »

Si les adhérents sont de profils variés (étudiant-e-s, retraité-e-s, chômeurs, salariés), le nombre de femmes est souvent plus important. « Les militants déjà conscients du besoin de changer notre alimentation sont aussi plus nombreux » reconnaît Céline Laporte, pour qui la solidarité qui existe entre les différents projets de supermarchés coopératifs permet de ne pas s’égarer et gérer le quotidien coopératif avec souplesse. « L’humain est vraiment au coeur de ce projet commun dont chacun porte la conviction qu’il s’agit d’une nouvelle alternative, d’une réponse pour une nouvelle manière de consommer et d’être acteur du changement » précise Anne, de la Supercoop Bordelaise dont les bénévoles, là aussi, sont d’origines, de métiers et d’âges fort variés : « nos disponibilités sont variables et les étapes de la construction de sont pas toujours faciles à gérer, mais l’énergie se renouvelle toujours et perdure ! » précise la jeune femme pour qui ces contraintes aident à développer créativité et agilité dans le pilotage du projet et les relations humaines.

 

L’aide afflue-t-elle de la même manière du côté des pouvoirs publics ? A Bordeaux l’association a reçu le prix Innovation Sociale de la région en 2015 et le fonds social européen a permis d’embaucher un premier salarié en septembre 2016, « sans parler de nombreux soutiens du côté d’Aquitaine Active, Bordeaux-Mécènes Solidaires, la ville de Bègles, la ville de Bordeaux et Bordeaux Métropole, la Région, et même l’Etat avec la DREAL » s’enthousiasme Anne Monloubou en soulignant que la coopérative souhaite à terme voler de ses propres ailes. A Toulouse, la Chouette Coop est soutenue par l’élue en charge de l’Economie Sociale et Solidaire et l’association a pu recevoir le soutien de Première brique, un incubateur de Toulouse métropole. A Montpellier, La Cagette repose surtout sur le tissu associatif local: « Alternatiba en septembre 2015 fut un beau fer de lance pour accroître le nombre de nos adhérents, et nous nous sommes peu à pas adressé aux institutions. Le financement participatif nous permettra de conserver cette liberté de décision » précise Léa Cavalin.

En l’occurence, plusieurs de ces supermarchés coopératifs à but non lucratif ont levé des fonds sur des plateformes de financement participatif ces derniers temps. A Bordeaux, SuperCoop a pu compter sur cette opération pour « monter et financer les outils et formations nécessaires à l’ouverture de la première étape de notre projet, l’épicerie-école, en attendant de rassembler suffisamment d’adhérents (1200 personnes) et de trouver le local du Supermarché définitif, sur 1500 m². » (cf. la vidéo ci-dessus)

A Toulouse la campagne de financement s’est déroulé également sur KissKissBankBank, et à Montpellier pour La Cagette sur Zeste. L’ensemble des projets échangent énormément sur leurs avancées et cultivent également une belle solidarité dans leurs démarches. La force du local ? Sans aucun doute !

Pour aller plus loin

Voilà la liste des coopératives Françaises s’inspirant du modèle de Park Slope Food Coop à Brooklyn :

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Article paru précédemment sur le blog Même pas mal d’Anne-Sophie Novel.

8 commentaires

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  1. Bonjour, depuis la parution initiale (en novembre 2016) de cet article La Cagette de Montpellier a évolué : nous sommes aujourd’hui près de 900 adhérents et plus de 150 personnes participent activement à notre développement et à la vie de notre épicerie-test ouverte en janvier grâce aux fonds récoltés lors de notre campagne de financement participatif sur la plateforme Zeste en novembre 2016.

    La Cagette de Montpellier : l’avenir est en course !

  2. Super initiative, j’ai vu le film Food coop il y a 8 jours et j’ai été enthousiasmée! Personnellement je suis adhérente d’une amap bio et participe à un café associatif et culturel en zone rurale, bravo pour votre projet et tous mes voeux de réussite!

  3. « La Louve » démarre dans une étrange ambiance, un peu secte bio-bo retraitée, très désorganisée dans la gestion des tâches assignées à ses membres. Toujours pas de produits frais et un prix du panier trop élevé… Encore un effort, Tim!

  4. Très bel article, mais dans la liste des coopératives Françaises, il manque le projet d’Annecy : ALPAR. Lancée en octobre dernier, l’association compte déjà 250 adhérents, 9 groupes de travail et travaille actuellement activement sur l’étude d’un groupement d’achat 🙂

  5. Rien en Essonne
    Il pourrait y avoir des possibilités sur l’ancienne base de Bretigny-sur-orge.
    Actuellement un projet de zone de maraîchage bio devrait bientôt commencer

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