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De mieux en pis

Beillevaire : la crème de la crème du beurre fermier

Au jeu du bouton d’or sous le menton, Pascal Beillevaire gagne toujours. Le reflet de la fleur confirme chaque fois l’évidence : Pascal aime le beurre et pas qu’un peu. Voilà trente-sept ans qu’il en fabrique en circuit court dans la petite entreprise artisanale qui porte son nom. Reportage.

©Thomas Louapre

Le beurre appartient à ceux qui se lèvent tôt. Il est 6 h 45, dans les prés de la ferme de Benoît Ferré, à Fresnay-en-Retz (Loire-Atlantique). L’éleveur amène ses 78 vaches à la salle de traite, une petite station où ses prim’holstein passent par douzaine donner leur lait. L’ambiance est sereine comme tous les matins et tous les soirs depuis 14 ans. Vers 9 h 15, celle qui porte la boucle 1418 sur son oreille noire ferme le bal. En deux coups de sabot, elle s’éclipse par le côté. Ça, c’est Jupiter tout craché, s’amuse l’éleveur. Quand sa traite est finie, elle se barre sans attendre les autres. Dans l’élevage de Benoît, se trouvent aussi une brune des Alpes, une montbéliarde ou une red holstein. À chaque anniversaire, mes copains m’offrent une vache, explique l’éleveur, qui attend avec impatience la prochaine surprise bovine de ses 36 printemps.

©Thomas Louapre

Du lait chaud au beurre cru

À peine la traite terminée, un camion citerne vient récupérer le lait encore chaud de la ferme. Direction l’atelier de Beillevaire, à neuf kilomètres de là. Nous travaillons avec cinq éleveurs de la région, explique Pascal Beillevaire par qui tout a commencé, ils se situent dans un rayon d’une dizaine de kilomètres autour du laboratoire de transformation et doivent respecter la charte de la maison. Parmi les critères figurent le nombre réduit de vaches à l’hectare, une alimentation spécifique faite de pâturages une grande partie de l’année, le non-recours à des robots de traite, un taux de cellules réduit à 250 000 quand l’Europe en autorise 400 000…

La charte de la maison prévoit une rémunération de 5 à 10 % supérieure au cours du lait.

La charte élaborée il y a 12 ans avec les éleveurs prévoit également une rémunération juste, de 5 à 10 % supérieure au cours du lait avec un prix plancher assuré, autour de 315 euros la tonne. C’est une sorte de parachute pour les paysans, se félicite Benoît. On sait que l’on n’atterrira jamais plus bas. Je vais vous dire quelque chose qui va vous surprendre, poursuit Pascal. Dans la charte figure aussi le respect des horaires. Comme on travaille avec du lait chaud, on ne peut pas avoir des horaires élastiques.

Avec 100 litres de lait, on fabrique 50 litres de crème, soit 25 kg de beurre. ©Thomas Louapre

Il est 10 h, les 900 litres de lait encore tièdes tout juste collectés chez Benoît arrivent dans les grandes cuves de l’atelier Beillevaire à Machecoul. Le torrent lacté est canalisé dans un jeu de tuyaux en inox. Dans une écrémeuse, la crème est séparée du petit lait et envoyée au repos pendant 24 heures. C’est donc avec la crème de la veille que se poursuit notre histoire. Nous voilà donc dans la beurrerie que les visiteurs peuvent observer derrière une vitre du premier étage pédagogique. Dans ce petit laboratoire carrelé, une dizaine de salariés s’affairent pendant que deux grosses barattes en bois transforment la crème en beurre. L’opération dure 40 minutes et change 900 litres de crème en 450 kilos de beurre.

©Thomas Louapre

Inéluctablement, depuis 37 ans, la magie opère. En France, nous sommes les seuls à fabriquer à l’échelle artisano-industrielle du beurre cru de baratte en bois, aime rappeler Pascal. Selon les commandes, la touche finale diffère. Sont ajoutés pendant les dernières minutes de barattage : de la fleur de sel de Noirmoutier pour les beurres demi-sel, mais aussi selon les recettes, de l’huile de homard, des grains de caviar, des algues… Le beurre le plus exotique que j’ai jamais réalisé était au mazavarou, un cocktail d’épices mauricien que je peine à retrouver, confie le dirigeant.

Chez Beillevaire, on fabrique 1 tonne de beurre artisanal par jour. ©Thomas Louapre

Beurre étoilé

Aujourd’hui, la production sera demi-salée. Le beurre du jour est destiné au restaurant Jules Verne du 2e étage de la tour Eiffel. Nous produisons toujours à la demande, explique Yann, responsable de la production. Nous avons une longue liste d’attente pour les beurres à façon. En effet, les beurres à l’effigie des restaurants sont particulièrement demandés. Pour chaque maison, un moule en bois est alors fabriqué à la main par un artisan local. L’homme passe en revue la centaine de moules entreposés sur les étagères. Celui-ci un peu conique et spiralé, c’est celui du Ritz. Celui de la marque Beillevaire représente le geste ancestral des hommes et des femmes trayant leurs vaches à la main sur un tabouret à trois pieds.

©Thomas Louapre

Modelage final

Debout, devant une table en inox, quatre femmes moulent les beurres à la main. Leur geste est sûr, précis, rapide. Maîtrisé. D’abord, extraire un poignée de beurre dans la motte posée au centre du plan de travail, ensuite la jeter fermement dans le moule en bois. Puis, avec la paume de la main tasser le beurre tout en retirant l’excédent. Démouler et répéter l’opération pendant 8 heures avec des pauses régulières. On arrive à mouler 150 kilos à l’heure, précise Yann. Mais ce n’est pas un concours de vitesse, on ne calcule pas le rendement de chacun. Tout se joue sur la qualité du moulage. Les beurres sont alors empaquetés, rangés et prêts à être expédiés.

©Thomas Louapre

C’est ainsi que 36 heures après la traite des vaches de Benoît, le beurre quitte Machecoul pour conquérir le vaste monde. On le trouve à la Grande Épicerie de Paris, au Peninsula à Hong Kong, au Burj al-Arab à Dubaï, mais aussi sur marchés de Saint-Brevin-les-Pins, de Guérande ou de Doué-la-Fontaine (seuls 6 % partent à l’export)… Car en 37 ans, malgré ses multiples distinctions, le beurre Beillevaire rend au terroir ce qui appartient au terroir et se vend en direct à qui sait l’apprécier. Je suis fier quand des étoilés Michelin nous suivent, conclut Pascal, mais aussi de nos camionnettes qui, tous les jours, transhument de magasins en marchés.

©Thomas Louapre

Retrouvez la fabrication du beurre Beillevaire par étape et en images ici.

22 commentaires

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  1. Bonjour, en parcourant votre article sur le beurre Bellevaire, sous la légende d’une photo, j’ai constaté une grossière erreur !
    Vous écrivez qu’avec 100L de lait, vous obtenez 50 litres de crème et 25kg de beurre, si seulement c’était possible…
    En réalité, il faut d’une part raisonner en kg et d’autre part, ne pas se tromper dans les calculs: 100kg de lait à 4% de matière grasse (MG) sont concentrés 10 fois en MG par centrifugation pour donner 10 kg de crème à 40% de MG, celle-ci est ensuite concentrée 2 fois pour donner 5 kg de beurre à 82% de MG et non pas 25 kg de beurre !!! J-L BOUTONNIER, expert en corps gras laitiers.

  2. « L’échelle artisano-industrielle » !
    Han ! Mais non quoi ! Ca c’est un terme interdit !

    L’artisanat c’est le fait de transformer un produit.
    L’industrie c’est le fait de transformer un produit… avec plus de salariés !
    C’est tout.

    Attention, cette critique ne remet absolument pas en cause le savoir-faire de monsieur Beillevaire et de ses salariés. C’est juste parce que je suis pointilleuse sur le vocabulaire. Comme Laure qui a relevé le caractère « fermier ».

  3. Attention aux termes que vous utilisez, le beurre Beillevaire n’est pas fermier!!
    Beillevaire ne possède pas de vaches, il achète le lait à plusieurs éleveurs différents qu’il transforme ensuite en beurre… ce beurre n’est donc pas fermier!
    Un mot pour chaque chose…

  4. Très beau reportage, Merci de conserver l’humain pour ne pas passer à ses usines à vaches !!!
    Juste dommage d’avoir des « prim’holstein », Le lait coule à flot mais cela ne vaux pas le lait d’une « Normande » où d’une « Montbéliard »
    Merci à l’équipe …

    1. Bien vu !
      En effet, pourquoi la Prim’Hostein (génétiquement modifiée pour produire plus de lait, plus courte sur pattes pour faciliter la traite…) et non pas la race locale ?
      Dans ma région (Franche-Comté) c’est la Montbéliarde qui tient le haut du pavé !

  5. « Avec 100 litres de lait, on fabrique 50 litres de crème, soit 25 kg de beurre. ©Thomas Louapre »
    Je suis dubitatif ; partout on indique qu’il faut 500 l de lait pour faire 25kg de beurre.
    Il faut effectivement 50l de crème pour faire 25kg de beurre, mais il n’y a pas (je crois) 50% de crème dans 1l de lait.
    En reprenant les chiffres de l’article, s’il ne fallait que 100 litres de lait pour 25kg de beurre, il produirait près de 15tonnes de beurre par semaine, soit 3,2t/jour or il dit n’en produire qu’une seule 🙂
    (mon calcul : 1800l/exploitation/jour X 5 exploitations X 7 jours = 63 tonnes/semaine collectées)
    Merci pour l’article … mais l’erreur de commentaire ne permettait pas de comprendre le prix du beurre, fut-il exceptionnel !!!

    1. D’après COOP de France, il faut 22 litres de lait pour faire 1 Kg de beurre. Donc 550 litres de lait pour 25 Kg de beurre.

  6. Bonjour,

    On a bien envie d’y goûter à ce beurre exceptionnel, mais où le trouver
    dans notre région d’Aubagne (13400) peut-être est-il possible de s’en procurer
    par l’intermédiaire d’internet ?

  7. Je connais les produits de Pascal B. depuis plus de 30 ans ! Il faut voir l’étalage sur le marché de Saint Jean de Monts et surtout goûter la crème fraîche, le beurre ou les yaourts… un délice les vacances à la mer !
    Ma fille, étudiante à Tours depuis 3 ans, a le bonheur de faire ses courses aux halles et de retrouver les produits de Pascal !
    La tradition, c’est une histoire de famille !

  8. J’espère que c’est seulement les ruches proches qui en proposent.
    Les autres, qui devraient privilégier le circuit court et les producteurs locaux, pourront sûrement trouver du bon beurre de proximité

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